La publication, en mars dernier, du deuxième tome des irrévérencieuses Chroniques d’une mère indigne, de Caroline Allard, a entraîné l’illustratrice rouynorandienne Annie Boulanger dans une belle aventure professionnelle.

Il y a deux ans, Caroline Allard était invitée au Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue, qui se tenait à Rouyn-Noranda cette année-là, afin d’y présenter son premier recueil. Les organisateurs, voulant rendre sa présentation plus dynamique, avaient eu l’idée d’inviter deux illustrateurs d’ici, dont Mme Boulanger, à faire des dessins en direct lors d’une lecture publique de la première mouture des Chroniques d’une mère indigne. «À la suite de cette journée, on est resté en contact en s’écrivant de temps en temps. Je lui ai envoyé un courriel quand elle a gagné [le Grand Prix littéraire Archambault, en 2008], elle m’en a envoyé un quand mon fils est né », explique Annie Boulanger.

Puis dans le temps des Fêtes, l’an dernier, seulement deux mois avant la publication de son deuxième livre, l’auteure a un flash : ajouter des illus-trations rigolotes à ses textes. Les images d’Annie lui sont tout de suite revenues en tête. Elle a donc envoyé sa table des matières à la dessinatrice en lui demandant de choisir un texte par chapitre qu’elle illustrerait. « C’était un petit contrat, mais c’était drôle à faire! » relate-t-elle.

Le phénomène Mère indigne

Depuis le printemps 2006, Caroline Allard publie régulièrement ses chroniques rigolotes sur son blogue (sorte de carnet virtuel regroupant des billets plus ou moins longs sur divers sujets). Son humour et son sens de l’autodérision ont vite fait de son site un des plus populaire de la blogosphère québécoise. Constatant l’intérêt porté à ces textes, les éditions du Septentrion ont proposé à la blogueuse  de publier ses articles, dans un premier livre paru en 2007, puis un second arrivé sur les rayons en mars dernier.

Flairant la bonne affaire, Radio-Canada présente depuis quelques semaines des capsules web adaptées des Chroniques…, lancées à grand renfort de publicité. Ces très courts épisodes nous montrent une mère qui dit tout haut ce que plusieurs pensent en silence.

Des retombées pour Annie

Le buzz entourant les livres et blogues de Caroline Allard rejaillit désormais sur l’illustratrice d’ici. « Je me disais que c’était un méga coup de publicité, mais j’ai jamais pensé que ce serait à ce point-là, surtout après le passage de Caroline à Tout le monde en parle! »

Depuis, l’éditeur a ajouté sur son site Internet un lien vers la page web de Mme Boulanger. « Il y a plein d’échos, j’ai des appels pour faire des contrats », explique la jeune artiste de Rouyn-Noranda. Parmi ces engagements, notons l’illustration de romans jeunesse historiques en préparation aux Éditions du Septentrion et d’un petit livre aux éditions Z’ailées de Ville-Marie.

Travailler les imperfections

Les écrits forts imagés firent jaillir des idées de dessins chez Mme Boulanger… tout en étant une source d’inspiration potentielle lorsque les problèmes de l’enfance surviendront avec son fils, d’ici quelques années. « Les textes de Caroline nous aident à nous déculpabiliser par rapport à ce qu’on vise et ce que la société nous demande, analyse Annie Boulanger. Pourtant, on fait ce qu’on peut! Caroline Allard désamorce avec humour, elle relativise puisque la perfection, ça sert à rien. Stresser pour viser la perfection, c’est s’en éloigner».

Il y a pourtant un monde entre ce qu’elle retire de la philosophie de Mère indigne et sa façon d’aborder les illustrations. Comme Caroline Allard se targue d’une étiquette de mère imparfaite, les dessins devaient avoir une allure de croquis instantané fait d’un seul jet. « J’ai de la misère à ne pas faire dans le détail, j’aimerais ça faire un peu plus brouillon, mais mon talent est dans la finition, dans le détail. Il va falloir que je travaille là-dessus! ». L’illustratrice a donc fait des dessins plus finis en premier lieu, pour par la suite y ajouter des lignes afin de rendre le tout un peu plus cartoonesque.

Mine de rien

Malgré le succès récent, Annie Boulanger ne pensait pas faire carrière avec ses œuvres. Même si elle a toujours dessiner, elle l’a longtemps nié : « petite, j’étais la fille qui dessinait bien, mais c’était évident pour tout le monde sauf pour moi ». C’est au départ l’amour des mots qui l’amène à s’inscrire s’inscrire au Cégep en Arts et lettres, où elle se découvre une nouvelle passion : le cinéma. Suivent alors des études multidisciplinaires en création visuelle et un emploi dans un centre photo qui lui fait découvrir d’autres aspects du monde de l’image. Malgré tout, c’est suite à un retour au pays, après quelques voyages qu’elle reprend crayons et pinceaux. Finalement,  c’est lors de son congé de maternité qu’elle décide de si mettre sérieusement.

Depuis, elle se penche sur le côté « affaire » du travail autonome, approfondit ses recherches en ce qui a trait à la promotion de ses services et découvre comment calculer la valeur de ce qu’elle fait. « Il me reste à apprendre à me vendre. J’ai créée un site web pour profiter de la vague Mère indigne. J’en suis à l’étape d’écrire des courriers de présentation et de m’inscrire au répertoire des illustrateurs pour me faire connaître ». Sans être tout à fait entrepreneure, ni vraiment vendeuse, elle découvre peu à peu, surtout depuis quelques semaines, que le bouche à oreille est la plus forte des promotion.

Et c’est ici, dans son Abitibi natale, qu’elle veut vivre cette belle aventure, puisque « c’est sain, en tout cas ça l’est encore et ce que je fais c’est tangible, c’est du papier et des ­crayons, mais c’est aussi virtuel [avec des clients un peu partout sur la planète] ». Tout ça en demeurant une mère aimante, attentionnée, mais aussi bien indigne.

Caroline Allard, et possiblement Annie Boulanger, sera au Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue, à Amos, du 21 au 24 mai prochain. De plus, les deux femmes nous préparent une belle activité en collaboration avec la librairie scolaire de Rouyn-Noranda.


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