Bien que l’offre culturelle se soit diversifiée au cours des dernières années, qu’une panoplie de festivals et de lieux de diffusion aient vu le jour, il n’en demeure pas moins que certains moments de l’année restent fort calmes. Car trop souvent, les événements se chevauchent, se confondent et compétitionnent entre eux, se disputant un bassin limité de spectateurs. Ainsi, l’amateur de culture de l’Abitibi-Témiscamingue passe malgré lui d’un état de manque à une sorte de vertige devant la quantité de choix qui s’offrent à lui.

Et feuilletant la présente édition de l’Indice bohémien, vous serez à même de constater que l’été semble commencer de plus en plus tôt, si on se fie à la densité d’activités offertes en mai. Spectacles de fin d’année des écoles de danse, festival Folie-Ô-Skop, événements dans les centres d’exposition; à cela il faut ajouter les gros canons que sont le Festival de contes et légendes, le Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue et le Festival des guitares du monde, qui se dérouleront tous les trois en même temps! Au moins, les deux premiers ont conjugué leurs efforts pour ne pas se nuire l’un l’autre. Et puis peut-on blâmer le FGMAT de devoir tenir compte de multiples contraintes et d’avoir choisi les dates qui sont les
siennes cette année?

L’ultime zénith du paroxysme ultime (!) se produira le 28 mai : l’amateur d’art de la région pourra alors choisir entre quelques expositions, un spectacle de contes, une activité littéraire, un spectacle de guitare, le concert de haut calibre l’Envolée symphonique du réseau des Conservatoires du Québec ou le lancement de la grande exposition de Raôul Duguay au Centre d’exposition de Val-d’Or… Tout ça à peu près simultanément! Avouez qu’il y a pourtant là assez de matériel pour se bricoler plusieurs nuits blanches extraordinaires!

Trop, c’est comme pas assez
Au fond, il faut se réjouir de cette effervescence : nous avons atteint une telle maturité en tant que collectivité régionale que nous nous sommes dotés d’organisations qui nous fournissent une large variété d’événements à différentes périodes de l’année. Mais cette abondance qui apparaît parfois chaotique – ou à tout le moins pas tellement concertée – peut avoir des effets négatifs à moyen terme.

Notre marché est plutôt restreint, ce qui fait que dès qu’un événement local veut prendre un peu d’ampleur, il sollicite les citoyens des autres territoires; ainsi, le potentiel de croissance est limité quand il y a une compétition constante pour les meilleures cases du calendrier. En outre, il devient difficile de faire entendre sa voix quand on est plusieurs à vouloir attirer l’attention des spectateurs à l’aide des mêmes véhicules publicitaires, ce qui représente un autre aspect négatif de l’empilade d’événements culturels. On se retrouve également avec des périodes creuses qui pourraient être mieux exploitées, qu’on pense à janvier, février, voire le milieu de l’automne…

L’idée n’est pas d’offrir des activités à toutes les fins de semaine, ou de s’empêcher de choisir une date parce qu’une activité y a déjà lieu, mais de commencer à penser à l’offre culturelle d’un point de vue régional, en se parlant entre organismes, tant sur le plan régional que local. Par exemple, un regroupement des festivals est en gestation, avec comme objectif principal de s’exprimer d’une seule voix auprès des bailleurs de fonds; pourquoi ne pas solidifier cette nouvelle structure, puis faire en sorte que ses rencontres servent aussi à faire circuler l’information sur les dates choisies par les organismes pour la tenue de leurs activités?

Culture locale… ou régionale?
Longtemps, on a reproché à l’Abitibi-Témiscamingue d’être une terre aride au point de vue culturel, soutenant qu’il ne s’y passait pas grand-chose en dehors de quelques activités pointues. Ceux qui s’accrochent à cette vision sont soit bornés, soit terrés dans leur sous-sol, soit très très loin d’ici : chaque territoire a ses forces, et pour peu qu’il n’ait pas peur de la route, l’amateur d’art trouvera de quoi se sustenter en parcourant quelques dizaines de kilomètres vers le territoire voisin.

Il est primordial que cette vision du terrain de jeu culturel à échelle régionale se développe. C’est ainsi que les échanges entre les localités s’accentueront et que nos créateurs auront plus d’occasions de faire valoir leur talent. C’est peut-être de cette façon que nous multiplierons les prétextes de nous parler de nous-mêmes et d’apprendre à nous connaître. Éviter les conflits d’horaires pourrait être la première étape : après, on pourra discuter d’éducation artistique, de consolidation de public, de transport intra-régional, de place de l’art dans les médias, de financement de la culture… et je souhaite que l’Indice bohémien puisse contribuer activement à une telle consolidation de l’offre culturelle régionale.


Auteur/trice