« Le draveur, lui, aurait voulu demander à Asa de l’excuser pour son air trop souvent bête depuis qu’ils se partageaient le même espace. Mais des excuses, pour lui, c’était comme se confesser de choses trop intimes. » (p. 108)

Vous connaissez certainement cette Gaspésienne de naissance établie en Abitibi depuis sa plus tendre enfance, à Rouyn-
Noranda pour être précis, et qui a déjà signé une douzaine de livres (quelques romans pour la jeunesse et la majorité pour adultes).

En résumé, je vous raconterais que l’histoire aborde principalement la cupidité et l’égoïsme. Pour de l’argent, certains personnages font croire à d’autres qu’une épidémie de choléra sévit à Ville-Marie, mais en fait, ils désirent simplement les éloigner. Ils réussissent à les isoler sur un îlot où ils tombent malades (je vous laisserai découvrir comment), mais ceux-ci refusent de se rendre à l’évidence, comme si l’évidence disparaissait derrière le discours des bonimenteurs à cause de la peur de regarder la vérité dans les yeux. En même temps que le lecteur peut rester surpris de la naïveté des personnages, il devient difficile de ne pas se retrouver pris avec eux dans la suite logique des événements. L’auteure construit un tourbillon de mensonges et de traquenards, et les personnages ne peuvent que rester pris dans l’engrenage. À travers les manigances et les manipulations, ce sont les rêves des personnages qui apparaissent. D’où que l’on vienne, qui que l’on soit, il semblerait que le bonheur se situe souvent ailleurs.

L’auteure joue beaucoup sur les émotions (celles des personnages aussi bien que celles des lecteurs). Le lecteur se retrouve face à un père, Régis, tellement épris de sa femme qu’il ne sait comment offrir plus que leur mère à ses fils. C’est pour lui le plus beau cadeau qu’il puisse leur faire, c’est ce qu’il possède (et vous devinez tout le danger de ce mot) de plus précieux, c’est ce qu’il connaît de plus magnifique sur terre. Mais il ne sait comment le lui dire à elle, ni comment le leur dire à eux. Il s’enferme et s’entête dans un mutisme déchirant. D’une certaine façon, madame Vaillancourt révèle ce qui se cache derrière un certain mutisme masculin.

Avec un talent de magicienne, l’auteure sait amener les personnages au-delà des mots de trop, des regards de travers. Les personnages se raccrochent les uns aux autres dans le vague espoir de dépasser leur solitude profonde et désespérée.

Le vocabulaire précis, qu’il s’agisse de mots courants ou spécifiques à un domaine, s’allie à un jeu d’images, de métaphores (je ne vous raconte pas le passage sur les relations sexuelles!) et d’allégories qui rendent le livre difficile à poser. Un chapitre en appelle un autre. Je dois même vous avouer que, prise par l’intrigue, j’avais oublié le titre! Mais l’auteure le savait sans doute, car elle revient dessus à la page 168, pour les étourdis, et explique l’explicite.

Seuls bémols, l’allemand un peu original des Allemands suggèrerait qu’ils ne sont pas Allemands, mais encore faut-il avoir étudié cette langue pour le repérer. De plus, la naïveté parfois un peu trop extrême des personnages donne envie de les attraper par le collet et de les secouer, mais peut-être est-ce aussi ce qui les rend si attachants? En ce sens, la citation en exergue du poète gallois Dylan Thomas joue plutôt le rôle d’une prémonition (doit-on ajouter qu’il est décédé un an avant le début de l’histoire?).

Si vous êtes prêt à réfléchir sur les multiples talents de l’être humain pour gâcher son bonheur, ce texte vaut vraiment le détour.


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