Du 24 septembre au 2 octobre se déroulait la 5e Biennale d’art performatif de Rouyn-Noranda, qui avait lieu, cette année, dans la nouvelle salle que le centre d’artistes L’Écart vient tout juste d’acquérir.

 

Même si je connaissais déjà un peu cette région du Québec, le contexte cette fois-ci était assez particulier. En effet, ce n’est pas tous les jours que l’on fait le voyage de Québec à Rouyn-Noranda accompagné d’artistes originaires de Pékin et de Hong Kong afin d’aller
faire de la performance. Tout comme les trois artistes mexicains de la semaine précédente, ces trois artistes chinois venaient de participer à la 16e Rencontre internationale d’art performance de Québec et ils faisaient ce grand détour pour participer à la biennale de Rouyn-Noranda.

La première chose que l’on remarque en arrivant à L’Écart, c’est l’accueil qui nous est offert. Je reproche souvent aux centres d’artistes de perdre de vue leur mission artistique au profit du travail bureaucratique que ce système gourmand en paperasse demande, mais l’équipe qui organise cet événement était plus qu’excitée par l’art et par ce que les artistes allaient leur présenter. C’est la base de tout et c’est probablement ce qui provoque en retour la générosité des artistes envers le public qui, lui aussi, a répondu à l’invitation avec enthousiasme.

Ce n’est pas les grands noms qui manquaient. En regardant la liste des artistes des éditions passées, j’ai reconnu plusieurs personnes assez influentes dans la discipline de la performance. Cette année, on y retrouvait trois artistes chinois (Cang Xin, Chengyao He et Sanmu) ainsi que trois artistes du Mexique (Diana Olalde, Luis Orozco et la controversée Congelada de Uva). Il y avait aussi les Women With Kitchen Appliances de Montréal, Patrice Duchesne de Saguenay, Noïzefer CWU de Sherbrooke, le jeune artiste plein de promesses Guillaume Adjutor Provost de Québec, et tous les autres. Cette biennale peut donc se vanter d’avoir acquis un certain prestige et, au fil des ans, elle s’est probablement construit un réseau de contacts qui ne peut que la faire évoluer davantage.

Place aux artistes de la région et de la relève
Parmi tous ces artistes émérites se glisse un bon nombre d’artistes de la relève. J’ai aussi remarqué la présence d’artistes de la région, chose dont notre culture de l’art actuel semble oublier de plus en plus l’importance. Cette tendance à penser que plus il y a d’artistes internationaux et plus l’événement a de l’importance, jusqu’à éliminer toute présence locale, ruine selon moi la raison d’être des rencontres artistiques.

La biennale de Rouyn-Noranda offre aussi beaucoup de variantes de pratiques dérivées de la performance, d’où le terme « performatif »
dans le nom de l’événement. Parmi les prestations, il y avait bien entendu de la performance pure et dure. Elles étaient parfois
très corporelles (Chengyao He), parfois engagées (Véronique
Doucet, Sanmu), parfois visuelles
(Christian Messier, Cang Xin), parfois participatives (Patrice Duchesne) et même provocantes (La Congelada de Uva). Il y avait aussi les présentations performatives, c’est-à-dire les disciplines multidisciplinaires intégrant les spécificités de la performance. Nous pouvons penser aux Women With Kitchen Appliances et à
Anaconda qui sont plus en musique ou en art sonore, à Émily
Laliberté en poésie action, à Maria Legault en spoken word, à Vicky Sabourin en tableau vivant, à Pascal Gélina en improvisation, et même en hypnose avec Dominique
Pétrin et son associé Georges Rebboh.

Un grand souci du public

Le nom le dit, c’est une biennale d’art performatif et non de performance. Un événement d’art performance uniquement risquerait de ne rassembler qu’un public averti, donc restreint, pour finalement ne pas avoir de grandes retombées sur la culture de la région. Mais en présentant des disciplines qui tendent vers la performance, cela donne déjà quelques clés aux spectateurs pour comprendre cette forme d’expression qui pourrait facilement paraître comme n’étant réservée qu’à une élite.

Cette idée de faire un événement multidisciplinaire performatif ou, en d’autres mots, de dérivés de performance, démontre selon moi un grand souci du public dans ce contexte régional. L’art performance reste une pratique méconnue et difficile à cerner, mais les artisans de L’Écart démontrent qu’ils se préoccupent aussi bien du public que des artistes et que, pour eux, l’art performance mérite d’être vu et vécu par tout le monde.


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