Reparlons des dernières élections. Même un mois après. En une soirée, tout a changé. Un événement rare. Moi qui affirmais haut et fort dans mon dernier texte que les québécois n’étaient pas des révolutionnaires, je dois reconnaître qu’ils peuvent, en un instant, en un coup de crayon, un coup de cœur ou un coup de tête, changer un paysage politique. C’est une merveille de la démocratie après tout.

Le 2 mai au soir, j’étais devant un téléviseur avec quelques amis et connaissances au siège électoral du Bloc à Val-d’Or. Ce ne fut pas une soirée très gaie. Elle fut plutôt longue. Aucune bonne nouvelle pour les bloquistes. Zéro, rien, pas une seule consolation. Vague orange, Bloc sous le respirateur, Harper majoritaire. Trois prises, retiré! On se convainquait d’un Canada bilingue, on le savait multiculturel. Il est devenu clairement bicolore : orange et bleu foncé. Les deux solitudes, toujours. Un autre chapitre d’une histoire interminable.

Le Québec, depuis vingt ans d’un bleu bloc, se retrouve orange NPD. 58 députés élus. Même Lucien Bouchard, avec son charisme, même Duceppe, avec son talent politique n’avaient réussi une telle performance. Sans campagne, sans trop de vedettes, le NPD est devenu roi et maître, avec un chef charmant, un lieutenant expérimenté, mais avec des soldats qui font déjà les manchettes. Par exemple, dans Berthier-Maskinongé, la vague orange a apporté avec elle une députée sans expérience (pardonnable, on ne naît pas politicienne), qui vient de Gatineau, qui parle mieux l’anglais(que le français), qui n’a pas serré une seule main et qui a pris quelques jours de détente à Las Vegas. Pour un parti national, ça fait tout croche, ça fait brouillon. D’ailleurs, plusieurs ne s’attendaient pas à être élus, pensant faire de la figuration, donner quelques idées et récolter de précieux dollars pour le parti. Le 2, vers minuit, quand tout s’est confirmé, ils ont dû faire le saut. Certains ont dû pleurer. Pas juste de joie. Et pas juste les femmes. Ils devenaient députés! Leçon à retenir : on ne se présente pas en politique pour faire de la figuration. Il faut être prêt. Tout peut arriver : une vague, un effondrement, une bonne visite du chef à Tout le monde en parle.

4 ans de …

L’autre grande nouvelle de ce 2 mai, c’est la victoire des Conservateurs de Harperqui obtient enfin son gouvernement majoritaire. Merci à l’Ontario. Bleu Bloc ou orange au Québec, ça n’a aucune importance. Tout s’est joué dans le reste du Canada. Harper pour quatre ans, Harper qui contrôle les Communes. Et déjà, le doute. Une certaine crainte s’installe. La peur aussi, dans quelques milieux, les groupes de femmes, les artistes. Qu’arrivera-t-il avec l’avortement, malgré les promesses du Premier ministre ? Que se passera-t-il avec la culture ? Sera-t-elle réduite à un secteur économique comme un autre, soumise aux lois du marché, donc du plus fort ? Sans parler de la transparence, de Soudas,  du registre des armes à feu, des méga-prisons, des déficits abyssaux, de ces avions de chasse pour des milliards… Chose certaine, ce gouvernement est en place pour quatre années, peut-être cinq. Plusieurs citoyens, « fatigués électoralement », seront contents. Voter, c’est dur!

C’est au NPD, maintenant, d’aller au combat de son mieux, avec une équipe inexpérimentée, obligé de s’asseoir entre deux chaises, celle du Québec et celle du ROC (rest of Canada). Avec les Libéraux et les quatre du Bloc dans les chœurs.

Honnêtement, espérons ne pas avoir trop hâte d’aller voter… Ce serait une longue et pénible attente.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.