Elle est la première femme à être élue Grande Cheffe du Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg. Le 13 juillet dernier, à 64 ans, Alice Jerome, anciennement à la tête de la communauté de Pikogan (2007-2011), écrit une page de l’Histoire. Portrait d’une femme de tête faite de passion, de persévérance et de solidarité. 


Des pages, Mme Jerome en a écrites toute sa vie. Pour canaliser son énergie, pour se ressourcer, pour continuer. « J’écris pour faire sortir la rage. C’est une délivrance de mes inquiétudes », confie celle dont certains poèmes ont été publiés chez Hurtubise. Alice Jerome a effectivement connu ses bouts de vie déchirée. Elle a vécu, jeune, et « huit étés de suite », la « rupture radicale » de l’époque des pensionnats. Plus tard dans sa vie, elle a œuvré en santé communautaire auprès de populations autochtones vulnérables : en toxicomanie, en violence familiale, en développement communautaire.


Elle réfléchit comme elle se meut : en voiture — de Pikogan, sa communauté et le lieu de résidence de son mari depuis 43 ans, à Maniwaki, dans l’Outaouais, où sont situés les bureaux du CTNAA, et en passant par les six communautés que le Conseil représente. Et à pied, « dans le bois », où elle prend le temps de revenir à l’essentiel. Elle dit que la route et la nature lui permettent la réflexion et l’introspection nécessaires à l’écriture. «J’écris en français. Ma langue, c’est déjà de la poésie, je n’ai pas besoin de l’écrire», dit-elle avant d’éclater de rire et d’expliquer que sa langue « est imagée, se goûte, s’exprime avec le corps; quand je parle ma langue, je suis mon propre dictionnaire ».


La langue est d’ailleurs un dossier qui lui tient à cœur. Avec son mari et sa petite-fille, elle parle algonquin. Mais elle se désole que certains professeurs, à Pikogan même, aient de la « difficulté à communiquer avec la petite dans sa langue » et que « les enfants qui parlent la langue [soient] rares ». Outre la préservation de la langue et de la culture algonquiennes, Alice Jerome, pendant son mandat de quatre ans à la tête du CTNAA, entend poursuivre les efforts déployés par ses prédécesseurs en termes de revendications territoriales et de mise en œuvre des ententes environnementales, de santé et de logement. « Je crois qu’il faut dialoguer plus, apprendre à se connaître mieux. Et j’aimerais voir plus d’union, plus de solidarité dans [les] démarches et [les] revendications [des Premières nations] : il faut arriver à un point commun, à une sorte d’union. […] Parce que tout est possible quand on rêve! »