Sauvage, puissant, farouche, furtif, affairé, enjoué, menaçant, tendre, altier, émouvant. Ils chassent, ils batifolent au bord de la rivière, ils mangent, ils font leur toilette, ils nourrissent leurs petits. Le lynx, le pygargue, l’orignal, le grand pic, le castor, la loutre, le porc-épic, l’ours, le loup, le renard. Si l’animal avait une âme, le photographe animalier Luc Farrell la figerait dans son expression la plus authentique.

Fondu dans le décor, patient, captivé, le photographe attend que son sujet, auparavant sa proie, daigne croiser son objectif. «Mes premiers contacts avec la faune ont été ceux du chasseur et du trappeur. Mais lorsqu’on abat ou qu’on capture un animal, on met fin à la relation avec l’animal», explique M. Farrell qui a fait cette découverte en surveillant tous les jours les ours tourner autour d’appâts disposés par le chasseur à l’arc.

C’est là que tout a commencé : le plaisir de l’observation s’est superposé à celui de chasser l’animal jusqu’à inhiber son instinct de prédateur. Le plaisir d’observer à l’insu, de connaître, de décoder, d’anticiper le mouvement. Désormais, il ne chasse plus que les indices que laissent les animaux pour marquer leur milieu de vie. «Ce n’est pas en marchant en forêt que nous pouvons observer les animaux; il faut s’arrêter là où ils vivent et patienter» poursuit ce technicien en électronique qui se désole de manquer de temps pour vivre sa passion en forêt, malgré la quinzaine d’heures hebdomadaires qu’il y consacre.

Bob le renard illustre parfaitement cette disposition du photographe à se fondre dans la vie de l’animal au point que celui-ci révèle son tempérament à l’objectif en toute quiétude. «C’est Bob qui s’est approché de moi. Ça s’est passé tout naturellement; chaque fois que j’arrivais sur son territoire, il m’accueillait. Bob tournait autour, se couchait près de moi, mordillait les pieds en caoutchouc du trépied», raconte Luc Farrell. Quelle aubaine que cette exceptionnelle proximité pour le photographe animalier. Vous imaginez que Bob a fait sa place dans son album, mais également sur des pages de magazines dédiés à la faune, à la photographie et à la nature.

Avec la même patience déployée avec les animaux, Luc Farrell a conquis les professionnels qui dédient leur vie à la faune dans son habitat naturel. L’hiver dernier, il a participé à un reportage réalisé par la Wild Canada, pour l’émission Nature of things de David Suzuki. Le reportage consiste en 4 heures de reportage couvrant tous les écosystèmes du Canada, dont la forêt boréale avec comme principal sujet le castor. Que font donc les castors toute la journée? Luc Farrell s’est «patenté» un système de tuyaux afin d’arriver à insérer une mince caméra dans une hutte hivernale de castors. «C’est vraiment stimulant de travailler avec des professionnels, d’être au milieu de l’action d’un tournage sur la vie animale en forêt boréale», raconte le photographe. Le reportage produit pour la CBC sera diffusé en 2014.

Luc Farrell ne fait pas que de belles photos, il partage. Son savoir, son temps, son art. Parlez-en à Marie-Claude Provost, responsable de la conservation et de l’éducation au parc national d’Aiguebelle. «Avant 2011, aucune martre n’avait été photographiée dans le parc. Depuis l’été dernier, sur les conseils de Luc Farrell, nous avons observé des martres dans 4 des 6 stations. Il donne aussi de la formation aux gardes-parcs naturalistes sur des trucs pour reconnaître les animaux en forêt et les milieux propices l’observation», confie-t-elle.

Lorsqu’on demande à Luc Farrell quelle est sa photo préférée, son coup de cœur, il répond en véritable passionné qui ne voit plus la fin de son engouement : «ce sera la prochaine; elle sera meilleure», parce qu’il est meilleur de jour en jour et que chaque sortie lui en apprend davantage sur les animaux. Alors, il faut continuer à le suivre dans ses pérégrinations en territoire abitibien, parce que la plus belle photographie de notre monde animal en forêt boréale reste à venir!\


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