L’Abitibi est souvent décrite comme le bout du monde, le plus au nord où on a le courage d’aller. Le Grand Nord, quant à lui, souffre de cette frontière présente dans l’imaginaire collectif : il est le grand oublié du Québec. On l’imagine souvent inhabité, vierge, ne servant qu’à être exploité aux avantages de nous tous, plus au sud.

Robert Cornellier, cinéaste originaire de Val-d’Or et fondateur de Macumba International, s’est fait un devoir de faire découvrir le Grand Nord avec une série de quatre épisodes nommée Objectif Nord (2013), coproduite avec Télé-Québec. Cette épopée, d’une durée de 3 h 20 min, dégage tous les mystères contenus au-delà du 49e parallèle et nous fait plonger au cœur des craintes et des espoirs qui entourent l’importante vague actuelle de développement industriel.

Objectif Nord nous amène d’abord entendre les voix de ceux qui habitent le Nord depuis des générations. Plusieurs artistes, provenant des quatre coins du Nord, racontent des épisodes de la cassure qui s’est opérée par la venue des Blancs et l’exploitation des ressources naturelles. Le chanteur innu, Florent Vollant, revient sur la terre où il est né, au Labrador, et d’où il a été arraché avec l’arrivée des compagnies minières. Il se souvient de son père qui, après le déménagement, sombra dans l’alcool jusqu’à en mourir.

La suite de la série sert à démontrer l’énorme potentiel recelé par le Nord québécois, tant au niveau des richesses naturelles qu’au niveau patrimonial, et à poser certaines questions en laissant en suspens les inquiétudes suscitées par le premier épisode. Selon Bruno Bussière, de l’Institut de recherche en mines et en environnement, le secteur minier s’intéresse aux problématiques environnementales depuis 1985 seulement, c’est donc dire qu’il reste beaucoup à faire de ce côté. Les problèmes que posent le fly-in fly-out, autrement dit occuper le Nord seulement pour y travailler et non pour y vivre, inquiètent également.

Beaucoup d’espoir est placé dans la notion de développement durable. Pour Jean-Philippe Messier, directeur de la Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan-Uapishka, le développement durable, c’est se questionner constamment sur les façons de faire. Réduire les impacts sur l’environnement, mais aussi être à l’écoute des habitants. Le dilemme est de plus en plus présent : protéger la terre ou donner de l’emploi. On sent un attachement à la terre qui est très fort dans les communautés autochtones, mais on sent également que les problèmes liés à la pauvreté font partie de leurs préoccupations.

Robert Cornellier laisse, en filigrane, l’espoir de voir des communautés continuer d’occuper le Nord de façon saine, en respect avec leur culture et leurs besoins. Objectif Nord comporte ceci d’intéressant qu’elle laisse au spectateur le soin de juger, après avoir absorbé une quantité importante d’information, si notre société est prête à développer le Grand Nord sans en détruire ce qui y vit présentement.

Objectif Nord peut être visionnée gratuitement à objectifnord.telequebec.tv


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