Ainsi donc, Postes Canada va interrompre, d’ici 2020, la distribution du courrier aux portes. Ce serait plus rentable. La décision a été annoncée à la mi-décembre, à quelques jours de Noël, alors que, et c’est là le paradoxe amusant, des milliers d’enfants venaient d’envoyer des tonnes de lettres au père Noël, écrites sur du papier, glissées dans des enveloppes, avec le timbre au bon endroit. Beaucoup de travail pour les facteurs, pourtant.

On peut déplorer les emplois perdus, c’est normal. Des emplois de qualité, avec de bonnes conditions. Mais la réalité rattrape les facteurs et Postes Canada. La réalité ? Un milliard d’envois en moins depuis dix ans. Moins de travail donc, pour les facteurs, et au final, des facteurs en trop.

On peut critiquer la décision jusqu’à l’an prochain. Ce serait alors jouer à l’autruche, ou, comme Pilate, se laver les mains : nous sommes tous responsables. Nous envoyons des centaines de courriels, dix fois plus de textos. Nous faisons nos transactions en ligne et recevons nos factures électroniquement. Nous envoyons nos documents, nos travaux, nos devoirs par Internet et, aux anniversaires, des cartes virtuelles, qui font de la musique. Normal : c’est plus rapide (c’est l’époque), plus simple (toujours l’époque!) et plus efficace. De toute façon, le courrier est condamné depuis l’invention du téléphone. Le fax a accéléré la mise à mort et Internet a cloué le cercueil. Nous irons donc chercher notre courrier en auto, dans de grosses boîtes grises et rouges. Purolator s’occupera des colis (achetés en ligne, bien sûr…) et on se contentera du Publi-Sac. Et j’ai encore un petit camelot pour L’Écho abitibien.

Malheureusement, l’État, même lui, n’a pas à financer des emplois qui, lentement, deviennent, pardonnez-moi le mot choisi, inutiles. Malheureusement aussi, mais ça reste émotif, peut-être nostalgique, on perd encore ce que j’appelle un « contact humain ». Le facteur, on pouvait le croiser, le saluer, jaser un peu pendant les vacances. Dans les médias, on a même parlé de la venue rassurante du facteur, surtout pour les personnes seules, souvent âgées.

Mais nous sommes aux temps où l’on remplace l’humain, aux temps des machines, du visage face à l’écran. On le voit à la banque, à l’épicerie, au cinéma, dans les stations-service : guichets automatiques, caisses sans caissier, bornes distributrices, paiements à la pompe. Tout, on dirait, pour ne pas voir personne. On glisse une carte, on pitonne, on choisit, on repart.  Nous sommes de plus en plus « seuls, ensemble », comme chantait Daniel Bélanger.  Les amis sont maintenant sur Facebook à travers, encore! un écran.

Pour terminer, je profite de cette première chronique de 2014 pour vous souhaiter une bonne année. Merci de lire L’Indice Bohémien, produit chaque fois grâce aux énergies, au cœur et à l’huile de bras de dizaines de personnes. Une machine, un écran, trois pitons ne pourraient vous donner ce que vous lisez chaque mois.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.