Coupures de 130 millions à Radio-Canada : près de 650 emplois supprimés. Ciao Robert Frosi, Jacques Bertrand, adieu à la bibliothèque de René Homier-Roy. Non, bien sûr, ces coupures ne sont pas d’origine politique, nous dit-on dans le monde des affaires. Pourtant, on connaît bien laminceur des affinités du présent gouvernement fédéral envers le télédiffuseur national…  Difficile de croire que les coupures répétées dans le budget de Radio-Canada depuis quelques années n’ont rien à voir avec une certaine vision du rôle de l’État dans la culture et l’information au pays. Une vision plutôt à droite, qui voudrait (peut-être) se désengager du financement de la chaîne publique parce que cette dernière concurrencerait de façon déloyale les chaînes privées.

Je ne sais pas pour vous, mais la radio et la télévision publiques ont toujours été pour moi une sorte d’institution de confiance. Un gage de qualité, mais surtout une garantie d’indépendance idéologique qui mettait à l’abri des convictions personnelles des dirigeants du pays la population qui s’y abreuve. Car l’information est nécessaire à la démocratie. Ce n’est pas tout d’aller voter. Encore faut-il voter en connaissance de cause, informé et libre.

Et cet intérêt pour les questions de société comme l’économie, l’éducation, la santé, la culture et l’environnement, ça se cultive, entre autres par un diffuseur public qui propose des émissions à contenu, intelligentes, crédibles, documentées et neutres. Jusqu’ici, tous les gouvernements avaient cru essentiel de ne pas s’ingérer dans la gestion de Radio-Canada, afin de garder à ce phare de notre culture son autonomie, sa mission, et cette neutralité si importante à une nation. En tant que porte-parole d’un média communautaire, je ne peux qu’être consternée par le peu de bruit que provoque ce démantèlement programmé.

A-t-on envie d’un diffuseur public qui ne programme que ce qui fait son affaire ou ce qui est profitable? Du pain et des jeux?

À mon avis, la dérive idéologique qui anime le gouvernement vient, entre autres, d’une forme de pensée où prime la logique marchande sur la logique humaine. J’entendais dernièrement à une émission économique que faire des enfants, ça coûte cher. Devrait-on pour autant arrêter de faire des enfants, afin d’économiser plus pour notre retraite? Si oui, aidez-moi quelqu’un, je ne comprends pas le sens de la vie!

Il y a des secteurs de l’activité humaine qui ne peuvent tout simplement pas être analysés strictement sous l’angle de la rentabilité comptable, qui ne sera jamais possible: la santé, l’éducation, l’information, et j’en passe. Dans cette logique, on devrait abolir toutes les bibliothèques publiques, tiens! Qu’on ne vienne pas me dire que le Canada est trop pauvre. D’ailleurs, la moyenne des investissements des pays industrialisés dans leurs diffuseurs publics est de 87 $ par habitant, alors que le Canada est en queue de peloton avec seulement 29 $ par habitant d’ici 2015. Pas de quoi être fier.

L’accès à un service de santé pour tous, un système d’éducation pour tous, une information juste, complète et pertinente pour tous, c’est ce qui devrait faire la différence entre un pays riche et un pays pauvre. Même les discours propagés par des médias privés alimentent la crédulité populaire en donnant raison aux corporations. « Qui possède le média contrôle le message. » C’est triste mais c’est vrai.

Avec le démantèlement programmé en cours à Radio-Canada, j’ai peur que se perde dans le néant cet important service de l’information locale, nationale et internationale, ce poumon culturel, cet outil d’archivage, ce levier de production médiatique de qualité. Il faut le dire, Radio-Canada a sans doute contribué, plus que tout autre parti politique, à propager et mettre en valeur la diversité culturelle canadienne. Du moins, jusqu’à ce jour.

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