Le livre, en carton et papier, est-il une espèce en voie de disparition, remplacée par la liseuse, la tablette, le iPhone? La librairie, elle, est-elle condamnée à la fermeture, comme les disquaires ou les tavernes? Ce sera tout de même un triste jour quand on devra tout télécharger et tout acheter sur Internet. Le monde de l’intangible me laisse froid, surtout pour les livres. Il manquera les couleurs, les odeurs, les textures, toujours. Un livre se lit et se vit. Un livre se touche, avec les deux mains et non seulement avec l’index.

Non, un livre n’est pas un bien de consommation comme un autre. Un livre n’est pas un gadget, un bijou, un produit de beauté quelconque. C’est un passeur de connaissances et de culture. Laisser les simples forces du marché décider de son prix et de son avenir est absurde et inacceptable. La connaissance et la culture ne se magasinent pas comme un chandail ou une souffleuse. Ni de la même manière, ni au même endroit. C’est déjà troublant de voir aujourd’hui les livres partager tant d’espace dans ces supermarchés culturels que sont Renaud-Bray ou Archambault. Il faut parfois bien regarder pour les retrouver, derrière ces montagnes de jeux, de vaisselle, de bibelots et de DVD.

Je cauchemarde déjà à l’idée d’acheter mes livres chez Costco, avec mes cans de conserve pas chères à la douzaine et d’autres cossins. On n’y trouverait d’ailleurs que les auteurs à succès, des biographies de vedettes, des livres de recettes et des guides de l’auto. La misère!

Oui, l’avenir est aux livres sur écrans. Appelons-ça le progrès. Oui, l’avenir est aux achats en ligne. Malheureusement d’ailleurs, car on ne choisit pas un livre pour sa couverture ou quelques commentaires laissés par des lecteurs. Oui, la vente de livres en librairie chute, menaçant surtout ces petits libraires indépendants, mais passionnés. Des David contre des Goliath. Vous savez, il y aura toujours mille et une babioles chez Renaud-Bray pour compenser les pertes. Dormons tranquilles. Mais voilà peut-être une occasion, voilà peut-être un défi : réinventer la librairie.

Partons de cette idée : le client n’est plus celui qui vient acheter un livre. Internet est bien plus efficace. Le client est maintenant celui qui entre en librairie sans vraiment savoir ce qu’il veut, ce qu’il est prêt à acheter.Tous les titres ne sont pas disponibles, c’est normal, et c’est au libraire d’assurer ses choix. Il doit donner une couleur à son commerce : coups de cœur, auteurs de prédilection, spécialités. C’est l’incitation à lire qui prime, il faut s’y sentir bien, vouloir y flâner : vitrines thématiques, livres à disposition sur des tables avec leurs notes de lectures, fauteuils, tables basses, pourquoi pas du café… Une page Facebook, un compte Twitter, des contacts aux clients par courriels… On est dans les années 2000, malgré tout. Et finalement, s’ouvrir à son milieu, aux évènements qui s’y passent : tout est prétexte à parler livres, littérature et auteurs.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.