Dans son Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Normand Baillargeon cite Joseph Goebbels, ministre nazi de l’Information et de la Propagande, qui disait ceci : « À force de répétition et à l’aide d’une bonne connaissance du psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fait possible de prouver qu’un carré est en fait un cercle. Car après tout, que sont « cercle » et « carré »? De simples mots. Et les mots peuvent être façonnés jusqu’à rendre méconnaissables les idées qu’ils véhiculent. »

On pense (ou on espère) souvent des journalistes qu’ils conservent une certaine neutralité. En réalité, ce n’est presque jamais possible. Dans un monde où la plupart des médias appartiennent à des consortiums puissants, il est sain, et surtout nécessaire, de questionner quels sont les intérêts des actionnaires et des émetteurs d’information. Cela devrait alarmer notre esprit critique sur le contenu qu’on y retrouve, d’autant plus que ce contenu est en partie alimenté par des sources qui cherchent à contrôler le message. C’est bien connu, la politique sert de plus en plus à des groupes privés, qui possèdent, entre autres, les médias qui construisent leur image.

Si le média est « responsable » de la façon dont il traite l’information, le lecteur, de son côté, est aussi responsable de garder l’esprit critique face au message proposé et au choix des mots qui le véhiculent. Il apparaît évident que les enjeux les plus cruciaux qui concernent notre société, à l’échelle locale comme nationale, ne sont peu ou pas discutés dans les médias de masse, qui préfèrent, comme bien des lecteurs, le divertissement à l’information. On veut du sport! C’est tellement moins compromettant… Malheureusement, la qualité et l’intégrité de l’information qui circule sur les sujets cruciaux comme la dette publique ou les motivations politiques sont choses rares.

Il est important de garder en tête que les gouvernements actuels utilisent à profusion des stratégies de communication qui détournent souvent le sens de la réalité. Certes, ils n’ont pas inventé le concept, mais ils le perfectionnent de jour en jour. Au Québec, sous les Libéraux, l’austérité devient la rigueur, puis la relance économique, à quelques mois d’intervalle, juste avec la magie des mots! On se croirait tout droit sortis du célèbre roman 1984 de Georges Orwell où le novlangue devient le langage officiel du parti. « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. »

Voici un autre bel exemple d’une fabrication du discours visant à leurrer le lecteur, dans un extrait de communiqué de presse émis le 9 février dernier par l’attachée de presse de Luc Blanchette, ministre délégué aux Mines et ministre responsable de la région Abitibi-Témiscamingue, annonçant glorieusement des rénovations (ventilation, toiture, portes et fenêtres, etc.) dans quelques écoles de Rouyn-Noranda : « Par cet investissement dans le patrimoine scolaire, notre gouvernement démontre qu’il a à cœur d’offrir aux élèves un cadre d’apprentissage adéquat, sain et sécuritaire. Voilà un geste responsable, qui favorise la réussite », a déclaré le ministre Blanchette. Vraiment? Un geste d’une telle banalité peut-il être perçu comme un projet de société?

Voilà surtout une façon spectaculaire de tenter de faire oublier les coupures de services aux élèves, l’abolition des programmes d’aide à la réussite et l’augmentation de la tâche des professeurs. À de simples mots, on peut vraiment faire dire n’importe quoi. Je me demande ce qu’en pensent les parents d’enfants en difficulté, ou les professeurs, à qui on demande de faire plus avec moins. Est-ce que les nouvelles gouttières vont favoriser la réussite scolaire quand les élèves seront plus nombreux  par classe et sans soutien pédagogique? Permettez-moi d’en douter.

Voici ce que disait Georges Orwell au sujet du discours : « Dans une large mesure, le discours et l’écriture politiques consistent, à notre époque, à défendre l’indéfendable. […] C’est pourquoi le langage politique doit pour l’essentiel être constitué d’euphémismes, de pseudo-banalités et de vaporeuses ambiguïtés. » C’est de cette façon qu’on  nous parle de « relance économique » et « d’efficacité » alors qu’on sabre aveuglément dans tous les programmes et tous les secteurs, en tentant de faire croire, à force de campagnes de communication magistralement orchestrées,  qu’il s’agit d’une saine gestion des finances publiques ou que le Québec est trop endetté, alors qu’il s’agit d’une offensive idéologique qui n’a rien à voir avec l’état des finances. Aucune autre option n’a été proposée aux citoyens que celle des coupures, alors que tant d’alternatives existent.

L’information et l’éducation sont la base même de la liberté. On ne peut être libre que lorsqu’on comprend de façon éclairée les enjeux qui nous concernent.


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