En 1970, à Rouyn-Noranda, à la demande des parents des élèves de l’école Immaculée-Conception où elle enseigne, Lynn Vaillancourt fonde l’école de danse PRELV. Filles et garçons présenteront un spectacle de fin d’année au sous-sol de l’église Immaculée-Conception. Depuis 45 ans, après de constants perfectionnements, elle enseigne la danse et le chant aux enfants de 4 à 20 ans.

Ceux qui connaissent Lynn Vaillancourt depuis longtemps savent qu’elle a toujours été une leader positive et créative. En effet, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle a joué dehors avec la « gang de la rue Vanasse », partant en vadrouille les week-ends ou les jours de grand froid, pour inventer de formidables aventures en forêt. Cet amour pour la nature et cette soif de vivre l’habitent encore. C’est ce qui inspire son travail d’artiste. Si vous lui demandez l’âge qu’elle a, elle répondra sans hésiter : 18 ans! Et c’est vrai. Elle a la fougue et l’énergie d’une femme de 18 ans. Elle porte ses valeurs avec la même conviction que l’on a à cet âge. Si elle a tenu si longtemps contre vents et marées et à travers les aléas que la vie apporte, c’est qu’elle croit fondamentalement en sa mission : éduquer les jeunes et les ouvrir à la beauté de la danse et du monde.

Un parcours varié et sans cesse renouvelé

Bien que tout artiste visite régulièrement ses mêmes préoccupations, la nature et les enfants dans son cas, Mme Vaillancourt renouvelle son travail au fil des ans. En effet, elle chorégraphie sur tous les styles musicaux, dans différentes disciplines (jazz, contemporain, rap, danse africaine, flamenco, music-hall, etc.), avec ou sans musique, à travers des projections multimédia, dans l’eau, avec des chaises, des escabeaux, des cordes, des ballons, des voilages et autres accessoires de tout acabit : une exploration chorégraphique sans limites.

Travaillant avec des jeunes dans un contexte de loisir, ce qu’elle réalise est à plusieurs reprises reconnu par ses pairs et par les différents chorégraphes qu’elle a reçus pour des formations, Benjamin Hatfield et Lina Cruz entres autres. Plusieurs ont qualifié son école de véritable maison de la danse.

Une approche pédagogique totale

Chaque année, elle organise l’intégrale de sa création en lien avec un thème. L’histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, du Québec, la forêt, la mythologie gréco-romaine ou celle des fées, les peuples du monde, les oiseaux… Ainsi, les costumes, les décors et les chorégraphies qu’elle invente sont structurés pour former un tout cohérent. Toute l’année, elle transmet sa passion pour l’instruction et son engagement se fait à travers ces connaissances.

2015, L’Histoire des Femmes

Il ne faut donc pas se surprendre si après avoir fait l’éloge de la nature, des enfants et de l’éducation, elle s’attaque aujourd’hui à raconter l’Histoire des Femmes. Elle-même, battante et convaincue, donne l’exemple par le geste bien plus que par la parole. Elle organise des conférences avec différents spécialistes invités, pour que ses élèves apprennent mieux l’évolution des femmes dans la société québécoise, ce que signifie le régime patriarcal dans lequel nous vivons, etc. Ces connaissances seront reprises dans son travail chorégraphique. Que ce soit les métiers non traditionnels, des luttes que les femmes ont menées, l’équité et l’égalité des sexes, les numéros visiteront les différents aspects qui entourent ce grand thème.

Dans le contexte actuel, elle œuvre à stimuler notre mémoire collective à travers ses chorégraphies et cela force la réflexion des danseuses, mais aussi des spectateurs.

Par exemple, elle observe qu’encore aujourd’hui, au Québec et en 2015, après tant d’années de combat pour l’égalité des sexes, les jeunes filles ressentent toujours une énorme pression pour plaire au genre masculin. Les vitrines des boutiques de lingerie n’offrent en effet pas souvent une image positive et souveraine de la femme. Ses élèves, grandes ou petites, partagent et se résignent trop souvent au fait que leurs frères sont traités différemment à la maison et à l’école. Pernicieusement, mais de façon presque permanente, on dit aux jeunes filles qu’elles valent moins. Notre conditionnement patriarcal, bien qu’inconscient, demeure très fort. Son travail, l’aboutissement de 45 ans d’expérience, sera présenté en mai au Théâtre du cuivre. À ne pas manquer.


Auteur/trice

Artiste multidisciplinaire et cinéaste indépendante, Béatriz Mediavilla est née en 1972 à Rouyn-Noranda, où elle demeure toujours. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études cinématographiques, elle enseigne le cinéma au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Parallèlement, elle a notamment réalisé l’ouvrage collectif multidisciplinaire Ce qu’il en reste : dialogue artistique sur la mort (2009), et a publié Des Espagnols à Palmarolle dans Nouvelles Explorations (2010) et dans Contes, légendes et récits de l’Abitibi-Témiscamingue (2011). Elle a également publié Entre les heures dans Rouyn-Noranda Littéraire (2013). Danse avec elles, son premier long métrage documentaire a connu une belle réception et a été présenté dans différents festivals, entre autres, à Montréal, Québec, Toronto et Vancouver, mais aussi La Havane et New York. Son deuxième long métrage, Habiter le mouvement, un récit en dix chapitres, a aussi été présenté dans plusieurs festivals dans le monde. Il a remporté entre autres, le prix du meilleur documentaire de danse au Fine Art Film Festival en Californie, meilleur long métrage documentaire au Utah dance film festival et le prix de la meilleure oeuvre canadienne au festival International du Film sur l’Art de Montréal. Son plus récent court métrage Axiomata, a aussi été sélectionné dans différents festivals à travers le monde.