En ces temps de prospérité minérale, la question de l’après se fait moins populaire. On oublie que la valeur boursière est chose qui fluctue hasardeusement et que l’on y est tous accrochés malgré nous. On évite candidement de se poser la question : d’un coup que ça retombe?

Chapais, située en Jamésie dans le Nord-du-Québec, n’est pas très loin de l’Abitibi. Physiquement parlant, elle est à six heures de voiture, et économiquement parlant, elle vivait des mines. Celles-ci l’ont quittée dans le milieu des années 1990, comme bien des habitants d’ailleurs. Par l’entremise de la réalisatrice Marie-Geneviève Chabot et de son documentaire En attendant le printemps (2013),  on est à même de voir ce qui se produit quand le cœur d’une économie arrête de battre. Alors que le réflexe de plusieurs est de plier bagages, quelques irréductibles ne veulent se résoudre à partir.

En attendant le printemps (gagnant du Jutra du meilleur documentaire en 2014) est le récit de quelques hommes face au dilemme nordique. Le film s’ouvre sur un extrait d’un poème de Jacques Brault : «Nous gèlerons sur place comme pères et mères/ nous craquerons de froid de folie/ nous ne partirons pas.» L’austérité contenue dans ces strophes et attribuée au rude climat hivernal nous prépare à la réalité des personnages du long-métrage. Ex-mineurs, Berny, Pico et Jean-Yves vivent à l’écart, dans un silence monastique brisé seulement par le bruit d’une motoneige de temps à autre. Depuis la fermeture de la mine, ils ont longtemps songé à quitter la place, à lever les feutres. Mais ils ont pris dans la glace, à force de souvenirs amassés, ils ne voient plus leur pertinence ailleurs.

La réalisatrice se veut leur confidente, écoutant et relançant la conversation avec une curiosité toujours respectueuse, nous faisant témoins de leurs vieilles histoires parfois douces et souvent amères. Comme celle du feu du nouvel an, la fois où les flammes avaient pris dans le sapinage et avaient emporté cinquante vies, cinquante amis, ruinant au passage le fragile tissage entre les Chapaisiens. Ou encore celle de Pete, qui ressentait, deux jours avant sa mort, la funeste impression qu’il finirait enseveli sous beaucoup trop de tonnes de roches.

Entre deux contes pour adultes comme ceux-ci, il y a la neige qui est là pour remettre les choses en perspective, pour recouvrir les pierres tombales et pour vous tenir occupés. Berny dégage ses abris Tempo, Pico fait des trous pour continuer à pêcher et Jean-Yves se prépare pour le Rallye en motoneige. Et il y a dans cette attente quasi-perpétuelle dans laquelle il faut rester actif, un espoir nourri par la promesse du printemps qui arrivera certainement. Puis, une rumeur ravive le regard des anciens mineurs, celle d’une mine qui créerait 400 nouveaux emplois à Chapais. Le printemps aura le dessus sur l’hiver, le temps de quelques réjouissances, et le cycle des mines se fera aussi réel que celui des saisons.

En attendant le printemps est disponible en location numérique sur cinemaexcentris.com .

 Productions Balbuzard


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