Quelle joie, le printemps revenu, de voir déferler les vagues d’éclosions des fleurs qui se succèdent, comme les vagues d’émotions qu’elles suscitent! Et comme il est particulier par exemple, pour les vivaces, de pouvoir associer chaque épanouissement à un temps de l’été, sachant que la floraison est souvent de courte durée et que l’été file pendant que les fleurs fanent.

 

D’abord, avec les crocus, les éclatantes jonquilles, les muscaris et les pulmonaires, la lumière entre dans nos cœurs. N’avons-nous pas une tendresse toute spéciale pour cette parfaite image de l’essor printanier? Ces fleurs que le froid n’intimide pas, avec leurs belles couleurs pures, se marient si bien avec le vert nouveau de nos gazons.

 

Puis, viennent les tulipes avec leur exubérance dont la profusion annonce une fête des couleurs et dont la combinaison des variétés permet une floraison plus longue dans la durée, parce qu’elles ne fleurissent pas toutes ensemble, certaines étant hâtives et d’autres, tardives. Il faut savoir que ces bulbes gagneraient à être déterrés dès qu’ils sont fanés. Le fait de séparer les gros bulbes de leurs petits nous permettrait de multiplier ces fleurs si nous prenions soin de conserver les bulbes au frais et au sec jusqu’à l’automne, au moment de les planter à nouveau dans la plate-bande par couleur ou en mélange. Sinon, laissés en terre, il y a dégénérescence possible après quelques années. Essayez d’évaluer alors la somme de travail pour le jardinier qui manipule des centaines de bulbes, mais imaginez le déferlement de couleurs à la saison nouvelle!

 

Ainsi défile l’été, habillé telle une reine qui, de semaine en semaine, revêt de nouvelles soies, de nouvelles formes, plus jolies les unes que les autres.

 

L’iris, notre fleur emblématique, brille de tous ses feux au début de l’été. Il y a donc lieu de l’associer à la St-Jean, désormais fête nationale des francophones d’un océan à l’autre. L’iris nous rappelle le lys, son compagnon à la floraison spectaculaire, au parfum capiteux. Ce qui nous amène à puiser dans notre propre langage des fleurs pour rappeler à ceux qui l’auraient oubliée, notre devise en tant que Québécois, dont nous n’évoquons toujours que les premières syllabes, se résumant à trois mots, sans jamais livrer la suite, tiens donc! comme si toujours, nous devions la faire mentir… De quoi se souvenir?

Je me souviens que, bien que né sous le lys, je crois sous la rose.

 

Le lys évoque nos racines de France et le drapeau des Québécois arbore cette pure beauté parmi toutes les autres. Quant à la rose, reine des fleurs, elle évoque l’Angleterre dont elle est l’emblème. Et le verbe croître, qui y est associé dans la devise, pourrait être synonyme de grandir, se développer, voire prospérer. Voyez comme la rose, présente dans nos jardins de la fin du printemps à celle de l’été, rose à laquelle nous n’avons pu résister, a su nous conquérir avec de bonnes épines pour sa défense ou son attaque, c’est selon. Voyez aussi combien il y a de politique en toute chose…

 

Revenons au jardin où les émotions se concrétisent en un véritable délire lorsque dans les premières semaines de juillet, l’on assiste à l’éclosion des pétulantes pivoines, proches parentes des roses, vedettes de la période estivale la plus pétillante. Leurs boutons qui se dressent, charnus, nous émeuvent, insolentes promesses! Les fleurs denses et lourdes qui les remplacent ont vite fait de nous saluer bien bas. Elles peinent à contenir leur enthousiasme et nous de même! Un tuteur leur ferait garder la tête haute et nous les apprécierions dans toute leur splendeur, en respirant leur doux parfum, les narines frémissantes d’une émouvante ivresse!

 

Oui, le comble du bonheur veut que les plus belles fleurs s’accompagnent des parfums les plus suaves… Pensons au discret muguet qui embaume l’air! Que dire du lilas aux effluves entêtants? Et ces magnifiques couvre-sol dont le fleurissement est somme toute assez discret, mais dont l’effet d’ensemble signe l’atmosphère, comme le bugle rampant qui nous fait la grâce de son tapis de minuscules fleurs bleues… N’oublions pas les plantureux hostas, la consoude, la bisannuelle et sculpturale molène! Quoi d’autre? Le mariage de la variété et de la multitude dure toujours.

 

Vraiment, l’ennui n’atteint pas le jardinier-horticulteur, mais les fleurs l’émeuvent, car il est témoin de la beauté de chaque espace-temps qui exulte à son heure à la verte saison. Ce sont les fleurs de la terre en réponse aux étoiles du ciel. \


Auteur/trice

Chroniqueuse autodidacte pour L'Indice bohémien et pour le Journal Le Pont de Palmarolle. Les sujets couverts touchent, entre autres, l'actualité, la lecture, le jardinage, le végétarisme, l'interprétation de l'objet patrimonial, les arts visuels, le portrait, l'amour de la nature et de la culture. Prix de l'AMECQ 2019 pour la meilleure chronique Notre région a cent ans.