En mai prochain, les Éditions du passage publieront le troisième recueil de poèmes de Nicolas Lauzon. Ayant pour titre Pro pelle cutem, l’ancienne devise de la Compagnie de la Baie d’Hudson, le nouveau corpus se développe autour du thème de la trappe. Le titre, qui signifie « peau pour peau », fait référence à la joute de l’homme contre la bête. L’Indice bohémien a rencontré le poète, question d’en savoir un peu plus sur ce recueil qui a valu à Lauzon d’être finaliste au prestigieux Prix de poésie Radio-Canada en novembre 2015.

D’une écriture plus mature et assumée qu’à ses débuts en 2011, ce dernier corpus nous amène sur les sentiers des pièges et des bêtes sauvages, un univers peu familier du monde de la poésie. Si on voulait le mettre dans une petite case, on prêterait à Nicolas Lauzon le titre de poète du territoire, lui qui a le don de parer de beauté des fragments de lieux et de gestes qui passeraient inaperçus sans la loupe de la poésie.

Le sujet de la trappe était déjà présent dans Géographie de l’ordinaire, le premier recueil de l’auteur. Pour Nicolas Lauzon, l’univers des trappeurs est une source d’inspiration poétique, mais aussi philosophique. « C’est chargé de poésie, ce monde-là. L’idée de suivre une trace, ce lieu qui est la forêt, déjà, puis ce personnage du trappeur qui est en quelque sorte un des derniers mythes de l’Amérique. Ce sont les premiers qui ont sillonné le territoire. En 2016, alors qu’il n’est plus question de survie, qu’est-ce qui les pousse encore à aller dans le bois ? »

Intrigué par la littérature d’aventure depuis sa jeunesse, Jack London et Croc Blanc ont meublé l’imaginaire de Lauzon. « Un été avant d’aller en camping, ma tante m’a acheté un roman. Parmi tous les titres disponibles, j’avais choisi celui avec un loup. J’ai toujours été à l’aise dans le bois, même si je n’ai jamais été à la chasse avec mon père. » Ce n’est sans doute pas par hasard qu’il a choisi de vivre en région. « En Abitibi, c’est la place pour rencontrer des gars de bois, des trappeurs. J’en ai rencontré deux qui m’ont reçu, et je leur ai expliqué ce que j’avais l’intention de faire. Souvent, ce sont des gars qui ne parlent pas beaucoup. Moi j’ai été chanceux. Après un temps, je suis comme devenu un apprenti », raconte Nicolas.

L’auteur parle d’ailleurs de la chasse comme d’un rite de passage. « Quand un père chasse avec son fils et que celui-ci tue sa première bête, il devient un homme. Moi, quand j’ai eu à achever un renard pris dans un piège pour éviter qu’il ne souffre, pour moi c’était un rite de passage. Ça fait réfléchir à la mort et à la vie, à l’acte de tuer. Et je m’engage, par respect pour l’animal, à tout faire jusqu’au bout : utiliser la peau pour quelque chose, manger la viande si elle est bonne, sinon la remettre à la nature. »

Afin de bien s’imprégner de son sujet, le poète a suivi des trappeurs dans leurs parcours. Il a appris leurs gestes, leur vocabulaire. « Je ne voulais pas faire un journal de bord ou un truc pédagogique, ni une défense de la trappe. Je m’approprie simplement leur univers, à ces trappeurs, et je les fais parler », raconte le poète, qui affirme toutefois l’importance de se questionner sur les rapports qu’ont les humains avec les bêtes. « Je crois qu’il faut se repositionner, comme humain, parce que nous sommes d’une façon ou d’une autre des prédateurs. On fait partie du règne animal. Mais comme je suis un prédateur qui raisonne, je ne tuerai pas pour rien. Et quand j’y pense, tuer des animaux à la chaine dans un abattoir m’apparait plus cruel que de pister une bête sur son territoire. Quand je vais dans le bois, je me mets en danger, je peux me blesser, l’animal a une chance de s’en sortir. Je joue à ce jeu-là. Je me positionne dans la chaîne alimentaire. Quand le loup mange un chevreuil, il ne lui demande pas la permission, il ne se demande pas s’il lui fait mal. Et ça reste une mort noble, même si c’est violent. »

 

L’existence à vif

l’inévitable affrontement des nécessités

Ta mort me nourrira

au-delà de la tristesse humaine

 

Nicolas Lauzon se défend bien d’être lui-même un trappeur. « Pour moi, il y a une ligne à tracer entre l’amateur de plein air et le gars de bois. Les trappeurs sont des vrais gars de bois, ils en vivent, c’est leur ressource, c’est leur univers. C’est très différent de moi qui fais du canot-camping et qui amène ma bouffe avec moi ! Si je pars avec toi dans le bois demain matin, on n’attrapera pas grand-chose », dit-il un sourire au coin des lèvres.

Bien qu’il ne sera pas disponible au Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue à Ville-Marie, Pro pelle cutem sera offert dans les librairies du Québec dès la fin mai. Le lancement aura lieu le 2 juin 2016 à 17 h à la Fontaine des arts de Rouyn-Noranda. \


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