QUATRE ATTAQUES DU GOUVERNEMENT CANADIEN À L’ENCONTRE DE LA DÉCLARATION DES NATIONS UNIES SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Alors que le gouvernement du Canada affirme vouloir mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ses actions révèlent une tout autre réalité.

New York, 10 mai 2016, Forum permanent des Nations unies sur les peuples autochtones. La ministre des Affaires autochtones du Canada, Carolyn Bennett, déclenche une ovation en déclarant que le Canada « appuie désormais sans réserve la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones » (Déclaration). Cette déclaration de la ministre semble démontrer un changement de cap de la part du Canada, l’ancien gouvernement conservateur n’ayant jamais accepté d’appuyer sans réserve la Déclaration. Cette Déclaration de l’ONU, qui n’est pas juridiquement contraignante, reconnaît plusieurs droits aux peuples autochtones, notamment leur droit à l’autodétermination, à la langue, à la culture, au territoire, à l’égalité et à la participation à la prise de décision sur différentes questions.

Nul ne peut en douter : l’actuel gouvernement libéral souhaite que le monde entier le perçoive comme un allié des peuples autochtones. Toutefois, sous ces beaux discours, les actions concrètes du gouvernement libéral montrent un visage bien différent de celui qu’il présente publiquement, et démontrent plutôt une lutte contre les principes de la Déclaration. En voici quatre exemples.

Le manque de soutien au projet de loi C-262 du député Romeo Saganash

Il est ironique de constater que même si Mme Bennett s’est rendue aux Nations Unies afin d’annoncer le soutien accru du Canada à la Déclaration ainsi que son plan de la mettre en œuvre, son gouvernement n’a pas soutenu d’emblée le projet de loi C-262. Déposé le 21 avril dernier par le député de l’Abitibi – Baie-James – Nunavik – Eeyou Romeo Saganash, le projet de loi C-262 exige que « [l] e gouvernement du Canada, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones du Canada, pren [ne] toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. » La résistance du gouvernement Trudeau à soutenir ce projet de loi indique que la ministre Bennett et ses collègues libéraux sont un frein à la composante législative de la mise en œuvre de la Déclaration. Le député Roméo Saganash, qui fait partie des personnes ayant passé les 20 dernières années à rédiger la Déclaration, avait pourtant présenté un projet de loi similaire pendant le règne conservateur et les libéraux l’avaient alors appuyé.

 

La « définition canadienne » unilatérale du gouvernement Trudeau

Le 21 avril 2016, le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr, lors d’une déclaration devant le comité des affaires autochtones de la Chambre des communes, rapporte que le gouvernement travaille sur une « définition de la Déclaration au contexte canadien ». En définissant de manière unilatérale la Déclaration, le gouvernement Trudeau va à l’encontre des exigences mêmes de cette dernière qui impose que le consentement libre, informé et préalable soit obtenu avant l’adoption ou la mise en œuvre de mesures législatives/administratives qui touchent les peuples autochtones.

Le droit au consentement libre, informé et préalable est un mécanisme par lequel les peuples autochtones entreprennent des processus décisionnels collectifs sur des questions qui les affectent ou qui pourraient les affecter, exerçant ainsi leur droit à la terre, aux territoires et aux ressources, à l’autodétermination et à l’intégrité culturelle.

Le confinement de la Déclaration dans la « boîte constitutionnelle »

Alors que le discours de la ministre Bennett a fait émerger plusieurs questions sur la signification d’« appuyer la Déclaration sans réserve », les mots utilisés par la ministre illustrent que le gouvernement Trudeau confine la Déclaration dans le cadre de l’étroite « boîte constitutionnelle ». En effet, cette dernière a affirmé vouloir adopter et mettre en œuvre la Déclaration en conformité avec la Constitution du Canada. Les droits reconnus et affirmés par la Déclaration doivent compléter et s’ajouter aux politiques et lois canadiennes existantes : ils ne doivent pas uniquement être interprétés en fonction de la forme actuelle des lois.

La signature de l’accord de partenariat transpacifique (PTP) et sa potentielle ratification

Bien que le PTP, accord de « libre » -échange et d’investissement, ait été négocié par le gouvernement Harper, le gouvernement Trudeau ne s’y est pas opposé : c’est en fait la ministre du Commerce du gouvernement actuel, Chrystia Freeland, qui a signé le PTP en janvier dernier. Bien que la ministre Freeland, le premier ministre Trudeau ainsi que d’autres représentants du gouvernement fédéral aient tenu des consultations publiques comme promis, les droits des peuples autochtones au consentement libre, informé et préalable ont été violés lorsqu’ils ont été exclus de la table lors des négociations sur le PTP.

Le PTP a un impact négatif sur plusieurs droits des peuples autochtones (droit à l’autodétermination, aux territoires et ressources, à la participation et au consentement libre, informé et préalable). Cela a d’ailleurs été reconnu par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz.

Espoirs déçus

L’appui sans réserve du Canada à la Déclaration était un geste attendu depuis longtemps, c’est pourquoi il est important de mettre en lumière toute action du gouvernement canadien visant à atténuer son impact.

La transformation des prescriptions de la Déclaration en lois, tel que demandé par Romeo Saganash dans le projet de loi C-262, est impérative pour transcender le colonialisme implanté au cœur même de notre système légal. Utiliser la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones comme une boussole légale, en fondant des relations nation à nation, et obtenir un réel « consentement préalable, libre et éclairé » avant d’adopter et d’implanter des lois ou des mesures administratives affectant les peuples autochtones sont des étapes critiques dans le processus de réconciliation, et sur le chemin de la réconciliation. \