Dans le cadre du processus de renouvellement de la politique culturelle du Québec, le ministre de la Culture et des Communications Luc Fortin a entrepris une vaste consultation sur tout le territoire afin de recueillir les préoccupations des créateurs, des organismes et de tous les acteurs impliqués dans l’industrie culturelle. Le ministère a reconnu que la mouture de 1992 intitulée Notre culture, notre avenir ne faisait pas assez de place aux peuples autochtones et aux Inuits. Afin de réparer cette erreur, il a exprimé le désir de les écouter et de reconnaître leur richesse culturelle. Ainsi, en marge de la consultation publique tenue le 27 juin dernier au Petit Théâtre du Vieux Noranda, des rencontres particulières ont eu lieu avec des artistes issus des communautés autochtones, des organismes et des représentants politiques. Il en est ressorti une volonté de se focaliser sur la situation des langues autochtones. Si la démarche du ministère de la Culture s’inscrit dans une perspective d’ouverture, de dialogue et d’échange, on peut toutefois s’interroger sur les réelles opportunités qu’elle offrira à la culture autochtone de rayonner et de s’institutionnaliser. La situation des Autochtones en tant que peuple en dépend.

Dans le roman The Absolute True Diary of a Part-Time Indian, piteusement traduit Le premier qui pleure a perdu, de Sherman Alexie, on partage le quotidien de Junior, un adolescent Spokane contraint de quitter sa communauté pour aller étudier dans le prestigieux lycée de Reardan, une ville voisine. Avec son humour décapant et sa formidable lucidité, Junior révèle la paradoxale situation de l’Autochtone qui doit vivre dans sa communauté afin de sauvegarder sa culture, mais qui est également obligé de s’en exiler pour réussir dans la vie. Plus près de nous, il y a Samian, rappeur très attaché à ses racines, à sa culture, obligé de s’en aller pour pouvoir faire sa musique. Ce paradoxe traduit un manque criant de ressources dans les communautés autochtones et participe de cette politique centenaire destinée à trucider culturellement tout un peuple. La langue, véhicule de la vision du monde mais aussi de la culture et de l’identité des peuples autochtones, se meurt à petit feu. Quand on remonte l’histoire, on comprend bien que cette mise à mort a été orchestrée en empêchant par exemple aux jeunes de parler leur langue. Aujourd’hui, les conséquences de cette décision s’observent à l’œil nu. Les jeunes Autochtones qui veulent réussir savent que ce n’est pas en utilisant leur langue qu’ils vont y arriver. Certains anciens observent une absence de désir chez les jeunes générations de s’approprier leur langue et déplorent le fait qu’il n’existe aucune politique favorisant sa transmission et son enseignement. L’aggiornamento culturel de l’État aura sans doute à se pencher sur cette préoccupation.  

Par ailleurs se pose la question épineuse de la spécificité de la culture autochtone. En effet, si les Autochtones sont reconnus comme un peuple avec un mode de vie et des besoins distincts, leur culture ne saurait être le reflet de la politique culturelle du Québec. Par conséquent, le rayonnement de la culture autochtone semble dépendre de la disponibilité de structures susceptibles de lui assurer une certaine autonomie. L’accessibilité des artistes autochtones aux circuits de création et leur professionnalisation représentent autant de moyens intéressants à envisager. En ce qui concerne cette question de ressources et de moyens, il semblerait que le provincial et le fédéral se rejettent encore la responsabilité. Comme dans un jeu de ping-pong. \


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