Il n’y a pas à pinailler : Olivier est un type bien sous tous rapports. Nous nous sommes rencontrés de façon inopinée. Mais sa générosité, son ouverture sur le monde et sa curiosité m’ont tout de suite séduit. Abitibien fier et bien enraciné, il ne loupe jamais une occasion de me faire découvrir les charmes de la région. Il parle de la traite des fourrures et des débuts de la colonisation avec la même alacrité. Quand il raconte comment la région est devenue possession québécoise après avoir trainé des mains de la France, de la Grande-Bretagne et même de la Compagnie de la Baie d’Hudson, son auditoire reste médusé. Mais ce que je trouve le plus fascinant avec mon ami Olivier, c’est sa connaissance du monde et de l’homme.

 

Il est incollable sur tout. Il connaît aussi bien les racines du vaudou haïtien que la dimension révolutionnaire de la capoeira. C’est simple : il est d’une curiosité proverbiale. Tout l’intéresse. Tout le fait vibrer. La preuve, c’est qu’il ne s’ennuie jamais. On ne s’ennuie jamais avec lui non plus. Il est d’une exquise compagnie. Mon ami est incontestablement un type bien sous tous rapports. Cependant, il a un tic langagier.

 

Quand il me parle, il utilise à tort et à travers la formule « vous autres ». Par exemple, la semaine dernière, alors qu’on sirotait un tiguidou (improbable mélange de vodka et de sirop d’érable) autour d’un feu de camp, il m’a lancé à brûle-pourpoint : « Vous autres, en Haïti, en flanquant cette volée à Leclerc et à Napoléon Bonaparte, vous avez réussi là où les Québécois n’ont fait qu’accumuler les échecs, du moins depuis la rébellion des Patriotes. » Je l’ai regardé, j’ai souri doucement. En effet, mon ami ne le sait pas encore, mais c’est lui, l’autre. Le jour où il le saura, le monde ne sera plus même.\


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