Enfant, lorsqu’on m’a enseigné que le masculin l’emportait, on m’a en quelque sorte dit que le masculin était meilleur, plus fort, plus noble, plus important. Certes, cette règle n’est pas la seule fois où on m’a indirectement dit de prendre ma place, mais c’est celle qui me fait réagir aujourd’hui.

Oui, encore aujourd’hui, nous acceptons collectivement la règle du masculin qui l’emporte. Cette règle archaïque qui légitime le fait que la France utilise toujours la Déclaration des droits de l’Homme. L’Homme avec un grand H qui, au fil du temps, nous dit-on, est devenu inclusif. L’Homme inclusif, c’est l’humain. Sauf qu’il existe le mot pour ça : humain. Aussi simple que cela puisse paraitre, il semble pourtant difficile de l’accepter et de le mettre en application. Par exemple, en 1948, on traduit The Universal Declaration of Human Rights de l’ONU par la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Le « masculin l’emporte », ce n’est pas une règle qui existe depuis le début des temps ni depuis le début du français. Non, cette règle fut déterminée par un certain Dominique Bouhours, père jésuite qui s’adonnait aussi être un grammairien. Un homme d’Église sexiste et raciste qui a décidé, en 1675, que le genre noble devait l’emporter. Je me permets de le citer : « Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte. » Qu’on se le dise, il n’y a pas trop de place à l’interprétation. Pourtant, c’est encore cette règle qui fait acte de vérité absolue lorsqu’il est question d’accorder un adjectif visant plusieurs personnes. Pour les choses inanimées, la carotte et l’ognon sont cuits, ça me convient personnellement. Mais quand on se doit de dire que les comédiens d’une pièce de Michel Tremblay (presque uniquement des femmes) étaient talentueux, j’ai un malaise.

Je ne suis pas la seule non plus à m’insurger contre cette règle désuète et plusieurs ont déjà étudié la question. Figurez-vous donc qu’avant que Bouhours tranche « pour le genre noble », la pratique en français voulait que le nom le plus proche de l’adjectif en détermine l’accord. C’est la règle de la proximité. La carotte et l’ognon sont cuits ou l’ognon et la carotte sont cuites.

Il y a aussi plusieurs façons de féminiser le discours. On peut d’abord chercher un terme neutre, tel que le corps étudiant pour désigner à la fois les étudiantes et les étudiants. Il y a aussi la possibilité d’énumérer les motsau long : les étudiants et les étudiantes sont compétents et compétentes. Et à l’écrit : les étudiant-e-s sont compétent-e-s. On a le droit de « réapprendre » à écrire, et même à parler. C’est correct le changement, on aime ça le changement. Surtout lorsque ce changement permet une plus grande inclusion.

Complément: La contribution de l’Indice bohémien à ce texte, une version de la Déclaration des droits de l’homme simplifiée et féminisée.