Dans le métro de Montréal, des affiches vantent les évènements culturels de Rouyn-Noranda, tandis que le McDonald’s du centre-ville de Val-d’Or a fait la une du Journal de Montréal cet été parce qu’il était forcé de fermer, faute d’employés. Vu de Montréal, on sait deux choses sur l’Abitibi-Témiscamingue : il y a des festivals et il y a de la job en masse! Pourquoi cela n’est-il pas suffisant pour attirer plus de jeunes en région?

C’est LA question à laquelle de plus en plus d’entreprises, d’organismes et de municipalités de la région tentent de répondre. C’est aussi la question que je me suis posée. Cela fait maintenant 4 ans que je n’habite plus la région. Je considère que ma perception de ce qu’est l’Abitibi-Témiscamingue en ce moment se situe exactement entre celle d’une jeune qui habite la région et celle d’une personne qui n’y a jamais mis les pieds. De toute évidence, la région ne réussit pas à rayonner suffisamment au-delà de la réserve La Vérendrye pour séduire les jeunes du reste du Québec. Si on peut blâmer en partie le manque d’intérêt des médias nationaux pour les régions, la manière dont on tente de vendre la région a aussi sa part de responsabilités.

Plus que de la main-d’œuvre

Il faudrait tout d’abord cesser de parler en termes de main-d’œuvre lorsqu’on parle de stratégie de peuplement. Un individu est d’abord un citoyen, puis un travailleur. Confondre les deux termes nous condamne à être une région dont la vitalité dépend des aléas du marché de l’emploi. Si notre objectif est d’assurer la vitalité de la région, il faut offrir aux gens de réels avantages à vivre en Abitibi-Témiscamingue.

De toute manière, le marché du travail a changé. L’emploi n’est plus le seul critère des jeunes pour déterminer où s’établir. Selon Annick Dostaler, agente de migration à Place aux jeunes, le rapport de force entre chercheur d’emploi et employeur a changé pour les 25 ans et moins : « Les jeunes savent qu’ils peuvent travailler partout au Québec. Il faut alors tenter de les attirer plutôt avec des incitatifs. » Il est révolu le temps où les municipalités ne servaient qu’à gérer le déneigement et la collecte de déchets! Nos collectivités doivent séduire les nouveaux venus autrement.

Les limites de l’évènementiel

La promotion de nos évènements culturels est extrêmement bénéfique sur l’image que projette la région, notamment en ce qui a trait au tourisme. Cependant, l’impact de l’effervescence culturelle sur les flux migratoires de la région est difficile à démontrer. Si l’on aspire à être plus qu’une destination vacances en vogue, il faudrait plutôt miser sur le continu, sur la vie de tous les jours.

C’est là qu’entre en scène le milieu de vie. Mais il ne suffit pas de vanter nos grands espaces pour se distinguer : miser sur des projets de transport actif, d’urbanisme intégré à l’environnement et de démocratie participative permettrait d’augmenter la couverture médiatique positive à l’extérieur de la région. Il faut surtout expérimenter et innover, puis faire de cette créativité l’image de marque de la région. Plus il y aura d’initiatives ayant des effets positifs sur nos collectivités, plus la couverture médiatique extérieure risque d’être positive.

Sortir du statuquo

En ce moment, d’un point de vue extérieur, on n’a pas vraiment l’impression de manquer le bateau. Aux dernières élections municipales, dans 42 municipalités de la région, les maires ont été élus sans opposition, soit 65 % des maires de la région. Cela est très dommage, surtout l’on considère que le progrès et l’audace sont rarement issus du statuquo. Revenir maintenant ou plus tard, ce sera de toute manière encore pareil.

Dans un rapport de recherche intitulé La ville de demain, l’économiste et urbaniste Catherine Marchand présente les objectifs à poursuivre pour devenir… la ville de demain! Un des objectifs s’intitule « Identité et créativité ». Si le développement d’un sentiment identitaire fort est souvent nommé dans les stratégies pour attirer et garder les jeunes en région, celui de la créativité n’est, à mon avis, pas suffisamment exploité. Pourtant, tel que l’indique Catherine Marchand, ces deux concepts sont intimement liés : « L’identité peut sembler une qualité ancrée dans le passé et le présent, moins dans l’avenir. C’est pourquoi il est proposé d’y adjoindre la créativité, cette aptitude à imaginer, à construire, à mettre en œuvre de nouvelles façons de faire, de produire, de gérer, d’occuper et d’aménager l’espace […] Ainsi, identité et créativité allient le passé, le présent et l’avenir. »

Plus qu’un moyen d’attirer des gens à venir s’établir

Plus on favorise la créativité et la curiosité des gens, plus on valorise les projets portés par ces citoyens, plus ceux-ci développent un sentiment d’appartenance fort à leur milieu et se sentent interpelés par les enjeux du territoire. Finalement, c’est en se souciant du bienêtre des citoyens actuels qu’on réussira à attirer et à garder les gens en région.

UN MOT SUR LA DÉMARCHE

Dans son sens toponymique commun, le terme Abitibi désignerait l’endroit où les eaux se séparent. « Malgré la route qui nous sépare » est un projet qui convie à un exercice littéraire des personnes originaires de l’Abitibi-Témiscamingue, ou qui y sont fortement attachées, qui y transitent occasionnellement, mais qui, en somme, résident ailleurs que dans la région. Le but de ce regroupement vise à créer et à diffuser des textes ou autres formes de créations portant sur des enjeux régionaux. En effet, nous souhaitons contribuer à stimuler le débat public ainsi que la participation populaire aux diverses décisions et réalités (politiques, économiques, écologiques, sociales, etc.) qui influencent le cours de la vie en région.

En collaboration avec L’Indice bohémien, nous vous proposons ainsi une série d’écrits qui se retrouveront périodiquement dans la version papier de la revue culturelle ainsi que sur la plate-forme web. Nous croyons que ce qui devrait nous séparer des réalités régionales, ne devrait être, en effet, qu’une route. Par l’entremise de ce projet, nous souhaitons affirmer activement notre engagement envers l’Abitibi-Témiscamingue.

Dans un esprit de dialogue, nous vous invitons à réagir et à partager vos commentaires et réflexions suite à la lecture des textes. Pour se faire, vous pouvez nous en faire part via l’adresse courriel suivante : laoularoutenoussepare@gmail.com


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