Celui qui a ouvert le premier bar gai de Rouyn-Noranda en 1995 est revenu dans la capitale du cuivre cet automne avec son personnage Lit Queen, une drag queen plus grande que nature qui n’arrive jamais seule. Dans ses bagages, une troupe déterminée à en mettre plein la vue et à chasser la grisaille à grands coups de paillettes et d’éclats de rire.

Denis Lord et ses accolytes, Destiny, Rainbow et Miss Butterfly, ont fait la grande traversée du Parc de La Vérendrye avec fébrilité.

« Nous avons rempli trois voitures et un winnebago pour quatre jours de spectacle. Aller en Abitibi, c’est toujours un renouvellement d’amour», raconte Denis Lord qui a grandi à Rouyn-Noranda avant de s’installer à Montréal il y a 10 ans.

Les deux soirées ont fait salle comble et le public était diversifié. Jeunes, moins jeunes, hétéros, curieux : il ne s’agit pas d’un spectacle réservé pour la communauté gaie. Pour Denis Lord, le moment était plutôt de célébrer, de rire, de danser et de permettre à chacun de s’exprimer et de s’assumer.

«  Aujourd’hui, comme à l’époque du bar La Station, je veux ouvrir des portes. En fait, je me sens comme un p’tit bonhomme de 15 ans dans ma tête, qui se dit que tout est possible ».

Pour sa virée à Rouyn-Noranda, Denis Lord a amené avec lui un grand nom du genre, Luc Provost, mieux connu sous le visage de Mado Lamotte, icône de la drag montréalaise.

« J’aime sortir de mon cabaret, mais j’avoue que je suis toujours surpris de voir que Mado est grand public et que le public s’y adapte si facilement. C’est une preuve qu’on partage des références communes », confie Luc Provost.

Il convient que les émissions et séries télévisées qui ont présenté le métier de drag queen ont permis de mieux saisir que ces performances scéniques ne se résument pas qu’en des hommes déguisés en femmes.

« Ce ne sont uniquement pas que des gars qui mettent une robe et se maquillent. Il y a une évolution chez ces garçons et il faut aussi de la discipline pour donner un bon spectacle », insiste Luc Provost.

Denis Lord fait écho à l’importance d’une bonne préparation et tient à s’entourer de professionnels, notamment pour le volet technique, afin d’assurer un spectacle qui en met plein la vue et qui est à la hauteur des attentes pour créer ce qu’il nomme l’effet « wow ».

Chasser le spleen

« Notre spectacle fait du bien. Je dirais que nous sommes un baume à la déprime et à l’ennui », résume Luc Provost, qui porte derrière lui 30 ans de carrière et qui assure que rien n’est terminé.

« Il m’en reste à accomplir! J’ai mon spectacle « Concert indigne » en novembre à Québec et je peux déjà annoncer que je ne vais pas chômer en 2018! », confie-t-il.

Denis Lord ne restera pas les bras croisés non plus. De retour à Montréal, vivifié par son passage en Abitibi, il promet de revenir en 2018 pour le week-end précédant l’Action de grâce. Rouynorandien dans l’âme, Lit Queen conserve ainsi un certain attachement régional.

« J’en rencontre encore des gens qui ont peur de sortir du garde-robe à Rouyn-Noranda. On m’a déjà dit, si tu n’avais pas été là, j’aurais peut-être choisi la corde au lieu de la porte. Je ne peux pas assumer qu’en 2017 on en soit encore à pointer du doigt. Heureusement, les choses changent, mais l’acceptation sera toujours là ».

S’il porte un message d’acceptation et un profond désir de vouloir être librement qui l’on est, Denis Lord refuse de se dire revendicateur.

« Ce n’est pas une mission. Je suis heureux de le faire, mais vous savez, quand on appartient à une minorité, on reste une minorité toute sa vie », conclut Denis Lord.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.