Le lancement avait lieu au mythique Cabaret de la dernière chance, à Rouyn-Noranda. Des images des boys dans les années 1970-1980, le corps aminci, mais le visage souriant, défilaient sur le mur. Sous leurs airs déguindés, ils avaient déjà l’allure des grands rockers de ce temps. 

L’album est tout aussi mythique. Créé quand la passion est tout ce qu’il reste dans le frigidaire, enregistré et mixé à six musiciens sur la même console (la chanson jouait et chacun calibrait son instrument en temps réel), l’album qui devait révéler le groupe Abbittibbi à la face du monde est retiré à ses créateurs, sauvagement écrasé « pour la radio AM » et vendu sans aucune redevance aux artistes. « Le premier album, c’est une relique. Sur le marché noir, c’est 300 $. Dans notre gang au complet, on n’avait jamais eu 300 $! » ironise Richard Desjardins.

Jamais lancé, jamais payé… Boomtown Café est un grand disparu qui revient au bercail après 37 ans. 

Il aura fallu l’équipe de Richard, presque devenu un mythe lui-même depuis le temps, pour récupérer les droits, retracer les bandes originales et les traiter au cuiseur à air chaud afin de retrouver ce son qu’on pensait perdu.

L’écoute de l’album ressemble à un voyage dans le temps, avec des lunettes 3D. C’est apprécier les mélodies déjà aimées, mais en découvrir une nouvelle richesse. L’instrumentation est amplifiée et enrichie par le retour des hautes et des basses fréquences qui libèrent le son du piccolo et de la basse. Une chanson inédite, composée par le violoniste Theodore Busch, se retrouve également sur l’album, lâchée lousse elle aussi après tant d’années. 

On reconnaît le son typique de la musique québécoise des années 1980, ce côté très « studio » où le son semble venir de partout en même temps grâce à une multi-instrumentation riche et tricotée serrée. On retrouve le côté festif aussi, apanage de ceux qui se ramassent en gang la plupart du temps (tout le monde était jeune à cette époque-là).

La pochette, ornée de magnifiques photos, dont celle de la couverture prise par Robert Monderie, contient les paroles des chansons ainsi qu’un texte de Richard Desjardins qui raconte les débuts difficiles du groupe rouynorandien (francophone de surcroît!) dans une industrie musicale aux allures de Far West. 

Comment ont-ils réagi à la réécoute de l’album des années plus tard? « On est tombés sul cul! Bernard, le gars de son, m’a dit “OK, c’est prêt, je pense que c’est bon!” J’ai appelé tous les musiciens et on s’est retrouvés chez nous. On a tout écouté d’un bout à l’autre dans le silence le plus total. Les gars retrouvaient des bouts qu’ils n’entendaient pas dans l’édition originale. C’était magnifique », raconte Richard. 

Pour sa vraie sortie, l’album Boomtown Café du groupe Abbittibbi est offert sur trois supports différents, comme un témoignage de son voyage dans le temps : numérique, CD ainsi que 1000 copies vinyle qui sont mises en vente pour le plus grand plaisir des fans et des collectionneurs.

Photos d’entrevue : Jérémie Monderie-Larouche


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