J’avais réservé ma soirée du 1er octobre pour regarder la soirée électorale, notre grand-messe démocratique. Mais ça me prenait un certain courage, une forme d’abnégation. Je vote PQ. Inutile de dire que, depuis 2003, les élections ne sont jamais trop agréables. Quatre défaites en cinq élections. Seule consolation : un gouvernement minoritaire en 2012, et il a fallu que le soir même, Mme Marois soit menacée par un tireur anglophone francophobe! Cette année, les résultats sont historiques : victoire de la CAQ, fondée il y a à peine sept ans, pires scores pour le PLQ (ma victoire morale!) et le PQ (bouteille de rouge qui s’ouvre…), progrès majeur pour QS.

C’est un raz-de-marée caquiste clair, net et convaincant. Les sondages se sont trompés. Ils avaient plutôt parlé d’un Legault qui ne performait pas assez, de la prime à l’urne du PLQ, d’un Lisée qui faisait une bonne campagne. Il faut croire que les Québécois, au fond, avaient fait leur choix depuis longtemps : congédier les libéraux, mais sans revenir au PQ (surtout que la souveraineté s’est ramassée 48e sujet sur la liste).

Cette élection a deux gagnants, au fond. C’est la CAQ qui tue le PLQ, c’est QS qui plante le PQ. On a surtout assisté à une volonté de changement profond. On a balancé par-dessus bord les partis traditionnels, les partis de pouvoir, pour des formations plus neuves, pour de nouveaux visages. À l’image de Macron qui, à la suite de sa brillante épopée, avait laminé la droite et la gauche classiques. Ce n’est pas nécessairement un vote d’adhésion, ni pour la CAQ ni pour QS. Une grande part est due au rejet. La CAQ est un parti somme toute confortable. Et QS n’a jamais eu les chiffres pour prétendre au pouvoir, il n’y avait pas de menace orange très à gauche. Le message aux « vieux partis » était facile à passer, les Québécois n’allaient pas sauter dans l’inconnu. Une révolution en octobre, c’est bon pour les Russes.

Soirée électorale intéressante à décortiquer, mais campagne – comment dire… ordinaire. Quarante jours de micropromesses, très ciblées, très techniques, tellement qu’on pouvait en arriver à confondre les partis. Qui a promis les lunchs gratuits? L’assurance dentaire? Les frais de scolarité éliminés pour les études à temps partiel en formation professionnelle? Une campagne axée sur la résolution des problèmes de chacun, une individualisation du projet politique. Ça s’est incarné avec cette Mme Chagnon, du premier débat, qui s’est montrée insatisfaite de la réponse des chefs. S’attend-on vraiment à ce que le premier ministre puisse régler le problème de la gestion administrative d’une sciatique soignée tardivement dans une salle d’urgence d’un hôpital quelque part au Québec? Pas tellement!

J’ai l’impression d’avoir assisté à la première campagne post-moderne : marketing, rôles accrus des sondages et des groupes de discussion (focus groups), réseaux sociaux. Avec l’offre – et la demande! – d’un leader politique plus super-comptable et polytechnicien que chef d’État.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.