On se retrouvera bientôt en famille, entre amis, autour de la table ou au salon. On reparlera de 2018, on fera des bilans, le Bye-Bye nous rappellera ce qu’on avait oublié. On entend souvent qu’on ne doit jamais parler de religion ou de politique, pour éviter les chicanes qui peuvent briser l’ambiance et gâcher le réveillon. Un peu pompettes, on prendra des résolutions qu’on aura oubliées le 6 janvier, moi le premier. La volonté ne s’offre malheureusement pas en cadeau.

Au buffet, devant les sandwichs, on reviendra sur ce qui a fait jaser. Donald Trump sera assurément nommé. C’est facile, c’est presque consensuel. Un sujet rassembleur, jusqu’en 2020, minimalement. On se félicitera qu’il ait perdu la Chambre en novembre, on pardonnera un peu aux Américains leur choix d’il y a deux ans. Les fêtards les plus courageux, alcool aidant, pousseront peut-être la note en voulant analyser les raisons des succès du président, qui ne sont probablement pas un accident de parcours ou une parenthèse. Si en plus ils reviennent sur la victoire de la CAQ, la chicane pourrait pogner, surtout s’il y a des partisans de Québec solidaire chez les neveux ou les cousins.

D’ailleurs, j’aimerais tellement moi-même être plus à gauche, genre QS. Je le suis, mais moins que d’autres. Ça me semble être exaltant. Mais c’est pour moi trop de travail. Trop de courage aussi. Il en faut une dose pour se poser en homme vertueux, parfois en donneur de leçons. Ça vient avec une obligation de rigueur et d’exemplarité. Je rejoins un peu là-dessus Fabrice Luchini, comédien français, homme de théâtre, lecteur public de poésie (je vous invite à le découvrir cette année, tapez son nom sur YouTube) lorsqu’il dit : « Pas d’erreur, j’aurais tant aimé être de gauche, mais la difficulté pour y arriver me semble un peu au-dessus de mes forces ».

Autour de l’îlot, celui où les convives se regroupent instinctivement, celui où naissent les plus profondes discussions, celui qui rassemble (j’exige d’ailleurs que la présence d’un îlot en cuisine soit obligatoire, inscrite à même le Code du bâtiment), je nous souhaite, pour l’an prochain, tous les débats possibles, sans mépris, sans censure, sans concepts fumeux, sans trollisme. Nous aurons tôt ou tard de grandes questions à traiter. Savoir en discuter, c’est déjà un peu se montrer à la hauteur.

En terminant, aux échanges de cadeaux, pour sortir de l’instantanéité des écrans et des réseaux sociaux, je nous souhaite de la lecture. Un noble geste. Pour finir sérieusement, voici un court texte de Bernard Pivot, qui a beaucoup lu : « Le livre est un cadeau doublement flatteur. Il valorise autant celui qui l’offre que celui qui le reçoit. Il est une invitation à entrer dans un savoir et à connaître un plaisir que l’un a déjà apprécié et que, par amour ou par amitié, il veut mettre sous les yeux de l’autre. C’est un pari sur l’intelligence, plus risqué que des fleurs ou du vin. » Pivot dit aussi que ceux qui lisent sont moins cons. Bonne année!


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.