Pour une fois que l’on parle et débat d’éducation autrement que pour dénoncer des compressions budgétaires ou des toits qui coulent et discuter de palmarès bidon. On parle du fond. C’est positif. La CAQ est arrivée avec quelques engagements porteurs, donc le ministre Roberge ne chômera pas.

Lors de la dernière campagne, François Legault avait juré faire encore de la politique pour ce dossier-là. La maternelle pour les enfants de quatre ans est une idée forte et porteuse, la réforme la plus importante du système depuis les cégeps. L’intention est noble : diagnostiquer plus rapidement les difficultés d’apprentissage et de comportement. Égide Royer en rêve depuis des lunes. S’opposer pour s’opposer est donc une connerie. Les CPE font déjà le travail, mais c’est une minorité d’enfants de quatre ans qui profite des services. Les clientèles à risque n’y sont pas. La France envoie bien ses enfants à l’école dès l’âge de trois ans. Le problème vient du plancher des vaches : il manque d’espace dans les écoles, de classes libres, de places pour dîner. Il manque de profs partout. De ressources, aussi. Vous connaissez des orthopédagogues qui font les frites au McDo, en attendant un poste dans les écoles? Allons-y progressivement, selon les capacités et les possibilités, tout en continuant d’ouvrir de nouvelles places en CPE.

Le gouvernement a aussi décidé d’ajouter 20 minutes d’activité physique par jour au primaire. Rien d’audacieux comme décision, très mainstream, on satisfait un lobby parento-médiatique, on se fait applaudir par Patrice Roy aux nouvelles. Mais encore, plus facile à dire qu’à faire. Le côté organisationnel doit faire sonner une ou deux cloches. Faudra-t-il revoir les horaires de transport scolaire? Ou couper du temps d’enseignement? Parce que les profs ne feront plus de bénévolat et n’allongeront pas leurs journées. L’idée de base est d’aider à la concentration des élèves, surtout ceux souffrant d’un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Des pédiatres l’ont dénoncé : on surmédicamente ces enfants-là… Pour deux raisons. Un : trop d’écrans. Deux : ils ne bougent pas assez. Et au Québec, le réflexe premier est de se tourner vers l’école en criant : Y a qu’à! Faut qu’on! On bougera donc plus à l’école! Bravo! Pendant ce temps, on multiplie les projets iPad et on dépense des sommes folles pour acheter des tablettes. Plus de temps d’écran encore! Et très rapidement, on évacue la variable « parents » de l’équation. Les enfants bougent-ils les fins de semaine, lors des congés? Sont-ils laissés à leur tablette? L’école ne pourra jamais remplacer les parents : ni pour l’activité physique ni pour l’encadrement. Trop de lièvres!

Mais le ministre devra bientôt s’attaquer au plus grave problème : la pénurie d’enseignants. Des pubs pour dire Merci! ne suffiront plus, ça ne convaincra personne d’aller en enseignement. La valorisation passe par de meilleurs salaires d’abord. Ça fait capitaliste. Qu’on oublie la vocation. Elle n’est plus de notre temps.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.