Les cinq textes sur le Prix littéraire des collégiens ont été rédigés par des étudiants du programme Arts, lettres et communications du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, sous la supervision de madame Stéphanie Hébert.

Querelle de Roberval, hommage au célèbre Querelle de Brest (1947) de Jean Genet, est une œuvre saisissante ayant le pouvoir de choquer les âmes sensibles. Récit à l’odeur de sciure et de sueur, la « fiction syndicale » de Kevin Lambert noue deux fils narratifs qui se rejoignent dans le titre. En effet, le terme « querelle » se rapporte autant au conflit de travail touchant une scierie de Roberval qu’au prénom du héros, un travailleur homosexuel dont le destin multiplie les clins d’œil à la tragédie grecque.

Dès le départ, un prologue cru et franc plonge les lecteurs au cœur de la vie de Querelle et de sa sexualité : « Chaque fois, ses mains qui les immobilisent dans le lit, sa verge longue et raide qu’il enfonce jusqu’aux couilles font jouir les garçons souillés, les scandaleux garçons écartés, les garçons avaleurs de son foutre sucré. »

Pourtant, l’histoire du jeune homme et la description de la microsociété homosexuelle de Roberval ne composent pas l’essentiel du récit; Querelle est entouré de collègues parfois excentriques et occasionnellement misogynes. Ceux-ci soulèvent des questions sur les inégalités sociales et font réfléchir au mal-être individuel et collectif. Certains personnages étant motivés par leur propre réussite, le roman se veut aussi une formidable démonstration de l’individualisme moderne.

Les thèmes tabous sont exploités avec brio par la plume audacieuse de l’auteur. Les phrases surprennent par la puissance des émotions véhiculées, certains paragraphes plus provocants pouvant même dégoûter le lecteur avec des scènes brutales, voire obscènes. Cependant, les passages sur le syndicalisme, thème traité avec originalité, offrent une belle unicité à l’œuvre. Il devient même difficile pour le lecteur de prendre parti entre les patrons et les grévistes, une particularité très appréciable. Un alter ego suffisant et présomptueux de l’auteur va jusqu’à intervenir dans le récit pour offrir une défense ironique au patronat.

Donc, gravitant dans un univers au réalisme perturbant, Querelle de Roberval a le pouvoir de faire réfléchir ses lecteurs en les laissant meurtris et secoués, pour le meilleur et pour la grève.


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