En cette année internationale des langues autochtones proclamée par l’UNESCO, certaines initiatives ont vu le jour, dans la région comme ailleurs au Québec, afin d’inviter les citoyens à poser des gestes symboliques mettant en valeur les langues autochtones en présence. À l’aube de l’adoption d’une loi fédérale visant à les protéger, quels efforts sommes-nous prêts à déployer comme société pour leur protection et leur revitalisation? Quelle place souhaitons-nous accorder aux langues autochtones dans l’espace public, notamment en éducation?

En sachant que, dans le programme scolaire provincial du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, à partir du deuxième cycle du secondaire, il est possible de se familiariser avec une langue tierce (définie comme une langue vivante ayant un caractère international), on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles on n’offre pas aux élèves, autochtones ou allochtones, la possibilité d’apprendre une langue autochtone en usage dans les différentes régions du Québec. Au même titre que l’apprentissage d’une langue étrangère, la familiarisation à une langue autochtone amènerait aussi l’élève à entrer en contact avec des réalités culturelles différentes, à acquérir une attitude d’ouverture et de respect, et ce, même si lesdites langues n’ont pas de statut officiel. Apprendre à saluer son voisin, apprendre à le remercier dans sa langue, ou à converser amicalement avec lui pourrait avoir bien d’autres avantages que ceux d’ordre économique, notamment édifier ou déconstruire des représentations stéréotypées à l’égard de ces peuples et de leurs idiomes.

Cette ouverture sur la richesse et sur la diversité culturelle et linguistique des différentes nations pourrait également nous aider à faire progresser la réconciliation et à instaurer, par conséquent, une éducation plus équitable pour les élèves autochtones qui fréquentent le système scolaire provincial. Pourquoi? Parce qu’encore aujourd’hui, les établissements scolaires ne prennent pas en compte le répertoire langagier de ces élèves. On examine plutôt leurs compétences linguistiques sous le même angle qu’il y a soixante ans, à l’époque de la scolarisation obligatoire des Autochtones, comme si le français était la seule et unique langue, la seule possibilité de reconnaître une compétence langagière auprès de ces élèves.

Pourtant, dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (article 14.3), on mentionne clairement que les enfants vivant en dehors de leur communauté ont le droit d’accéder à un enseignement dans leur propre langue. La reconnaissance d’une compétence linguistique en anicninabemowin, en atikamekw nehiromowin, en iyniw-ayamiwin, ou en innu-aimun, n’a rien d’une mission impossible. D’ailleurs, le ministère de l’Éducation du Québec, dans sa Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle (1998), avait envisagé d’examiner la possibilité de reconnaître des acquis en langue autochtone (langue tierce) pour les élèves des communautés autochtones au deuxième cycle du secondaire. L’année 2019 nous permettra-t-elle de poursuivre ce projet? Dans le passé, l’éducation a servi d’instrument pour tenter d’éliminer les langues et les cultures autochtones au Canada; elle doit aujourd’hui servir à réparer les torts causés et à nourrir le dialogue entre les peuples pour les prochaines générations.


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