Nicole Carignan a prononcé la grande conférence d’ouverture du jeudi 15 août 2019 au Colloque du doctorat réseau en éducation. Mme Carignan est professeure titulaire, et maintenant associée, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) en éducation comparée et interculturelle. Elle cumule de nombreuses communications et des publications découlant de son parcours diversifié en éducation et en musicologie, avec des réalisations marquantes aux États-Unis, en Indonésie, au Japon, en Afrique du Sud, en Russie et en Europe, en plus du Québec. Les réflexions présentées dans le cadre de cette conférence ont constitué un bon reflet de ses recherches en éducation comparée interculturelle.

 

Dans le premier axe des « espaces à explorer », la professeure Carignan a entretenu le public formé de professeurs, de chercheurs, d’étudiants et de professionnels de l’éducation sur ces « nouveaux espaces à explorer dans la recherche en éducation et dans la formation à l’enseignement ». Dans un discours coloré et passionné, la conférencière a fait la démonstration que pour bâtir un monde respectueux, plus juste, équitable et empathique, la recherche en éducation doit oser « revisiter » ses visions du monde. C’est ainsi qu’on pourra trouver des solutions inédites originales et inclusives aux défis qui nous attendent en recherche et en enseignement dans le monde l’éducation.

D’entrée de jeu, Mme Carignan a mis en perspective la diversité comme réalité de la société contemporaine. Tour à tour, elle a brossé les réalités tant historiques que spatiales pour nous faire réaliser : que la société d’aujourd’hui n’est pas homogène; qu’elle ne l’avait jamais été, ni au Québec ni au Canada; que cette réalité n’est pas non plus une exception propre au Québec. En s’appuyant sur de nombreuses données et des graphiques, elle a présenté les flux de migrants, d’immigrants et de réfugiés au Québec et au Canada tout au long des cinq derniers siècles. Par la suite, elle a évoqué l’équation du chercheur Yvan Lamonde (2001) pour caractériser les héritages multiples qui ont façonné l’identité québécoise, en faisant observer que « au 21e siècle, la diversité, c’est la norme et l’homogénéité, l’exception ».

Une fois cette déconstruction établie, elle a fait réaliser que les identités ne sont ni figées ni statiques. Elles sont dynamiques. Elles peuvent aussi être multiples. À partir de là, elle a interpelé l’auditoire sur ses perceptions et ses attitudes envers les « Autres ». Comment évaluer notre niveau de tolérance par rapport à ce qui nous semble différent? C’était l’occasion de mettre en mots et en images les préjugés et la discrimination quand l’Autre semble différent ou moins valorisable en raison de son groupe ethnique ou culturel, son sexe, ses croyances religieuses, son orientation sexuelle ou encore son accent.

Ces définitions une fois posées, la conférencière a interpelé l’auditoire sur la place de telles connaissances en éducation puisque ce sont ces conceptions qui déterminent notre vision du monde autant que notre rapport au monde! La professeure Carignan s’est inquiétée de constater que seulement 1 % de la recherche en éducation porte sur les défis de l’éducation interculturelle. Pourtant, dit-elle, « nous vivons dans un monde de plus en plus diversifié. Nous sommes probablement plus “mélangés” que nous le paraissons ou bien que nous le croyons ». Et finalement, elle a relevé combien il y en avait à apprendre dans le contact intergroupe. C’est en ces termes qu’elle a posé la nécessité, en éducation, de développer de nouvelles compétences pour apprendre l’interdépendance.

Dans la troisième partie de la conférence, la professeure Carignan a présenté le modèle d’acculturation interactive (MAI) mis en place en collaboration avec d’autres chercheurs au Québec, pour aider à développer le contact intergroupe. L’acculturation survient lorsque deux groupes ethnoculturels sont en contact direct et soutenu, en condition de situation à statut égal, avec un but commun, avec le soutien officiel des « autorités » et en absence de compétition. Le contact intergroupe aide à augmenter le sentiment de sécurité identitaire (langue et culture), à réduire les préjugés et le sentiment de menace et finalement à favoriser le respect mutuel et les relations amicales. Grâce à un programme de formation en « jumelage interculturel », son groupe de recherche développe, depuis 200, des approches pédagogiques et une boîte à outils pour accompagner les formateurs.

En éducation, les formations en communication interculturelle et interpersonnelle apprennent à travailler avec des gens de différentes cultures à la mesure de ce qui s’observe de plus en plus au sein des salles de classe et des clientèles des différents secteurs de services. Le modèle développé par le groupe de recherche en jumelage interculturel (GrJI) est déjà implanté dans plusieurs écoles, centres communautaires, collèges et universités aux États-Unis, en Europe et en Australie. Le GrJI a déjà reçu plusieurs mentions d’excellence. La formation développée est maintenant rendue obligatoire dans plusieurs programmes universitaires (éducation, médecine, psychologie, travail social, orientation de carrière et communication).

En conclusion, Mme Carignan a rappelé que nous vivons dans un temps de changements globaux. Les nouvelles générations auront besoin de nouvelles compétences et de nouvelles connaissances pour de nouveaux idéaux. La projection d’idéaux suggère :

  • D’établir des partenariats entre chercheurs-enseignants-élèves-direction-professionnels-parents visant le développement, l’autonomisation (empowerment) et la réussite de TOUS les élèves.
  • Que la réussite de l’élève passe par la compréhension du « préjugé » et de la « discrimination ». La réussite de l’élève ne peut se faire sans la réussite de l’enseignant!

Apprendre l’interdépendance constitue une nouvelle dimension à concevoir, à développer et à intégrer dans l’éducation. De telles compétences sont essentielles pour bâtir un monde respectueux, plus juste, équitable et empathique.