Même si les initiatives artistiques ne font pas de miracles, elles peuvent changer les perceptions, les attitudes, les comportements. La pièce de théâtre Bongo té, tika! [Pas comme ça, arrête!] en est un bel exemple, car elle a été créée pour servir d’arme pour lutter contre les violences faites aux femmes en République démocratique du Congo.

Les rôles traditionnels et les stéréotypes basés sur le genre rendent les Congolaises particulièrement vulnérables. En raison du conflit armé qui sévit au pays depuis plus de 20 ans, elles subissent toutes sortes de violences, en particulier sexuelles. Depuis les 16 dernières années, 500 000 femmes et enfants auraient été violés au pays. Dans ce contexte, il est essentiel d’appuyer celles et ceux qui prennent la parole et qui dénoncent les injustices et les violences que subissent les femmes. Après deux décennies à tenter de mettre en œuvre des programmes et des outils, le théâtre a été choisi comme approche de travail puisqu’il a la capacité de toucher les gens tout en abordant plusieurs enjeux à la fois.

Oxfam-Québec, le Réseau des Femmes Chrétiennes du Congo (RFCC) et le Théâtre des Petites Lanternes (TPL) se sont donc unis pour mettre sur pied ce projet de coconstruction artistique, de sensibilisation et de recherche de solutions. La première étape a consisté à donner la parole, par l’entremise de la Grande cueillette des mots, à 600 femmes et 210 hommes. Invitées à écrire leurs histoires, les femmes ont, la plupart pour la première fois, replongé dans leurs douleurs pour s’en libérer par écrit. Sans faire totalement disparaître la douleur, cet exercice leur a du moins permis de briser le silence et l’isolement.

Un tri a ensuite été fait dans tous ces écrits pour donner naissance à la pièce Bongo té, tika!, dont le travail sur le texte et la mise en scène a été fait à Sherbrooke, pour permettre aux comédiens de s’approprier la pièce. La distance les a protégés de la pression sociale et du jugement des autres, en particulier pour les hommes comédiens, qui pouvaient être vus contre les autres hommes, contre les traditions.

Ce projet pilote a été mis en œuvre dans quatre communes de Kinshasa. En tout, 69 représentations ont permis d’atteindre 32 000 personnes, de tous les horizons : des villageois, des étudiants d’université, des policiers, des étudiants de tous âges. Ce projet a suscité de grands engouements et a incité sa Majesté Mfumu Difima, secrétaire général de l’Alliance Nationale des Autorités Traditionnelles du Congo à demander une formation en violence faite aux femmes et aux filles pour tous les chefs coutumiers de la région, ce qui représente un espoir considérable pour les femmes congolaises.


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