Le Point d’appui est un centre d’aide et de prévention des agressions à caractère sexuel situé à Rouyn-Noranda. Dans le cadre de nos services d’intervention auprès des femmes et des adolescentes, il arrive régulièrement que celles-ci utilisent l’écriture durant leur cheminement. Dernièrement, une jeune fille a écrit l’histoire d’une victime sous forme de dialogue d’un homme avec lui-même à trois moments de sa vie.

 

 

S’IL Y AVAIT DES RÉPONSES, C’EST LÀ QU’ILS LES TROUVERAIENT

Wil n’avait que 20 ans et la vie lui avait déjà fait traverser de grandes épreuves. Il s’interrogeait souvent sur certains évènements qu’il avait vécus. Tout avait commencé lorsqu’il était enfant. Il était un jeune garçon rêveur qui s’entendait très bien avec les autres enfants, malgré les nombreux déménagements et changements d’école. Il avait la chance de s’adapter rapidement à ces situations. Willie était son surnom d’enfance. En grandissant, les gens avaient peu à peu commencé à le surnommer Wil, un surnom plus mature selon lui. Plus tard, ce serait William. Après tout, lorsqu’on devient un homme on doit être pris au sérieux, du moins c’est ce que son père lui avait toujours dit. Alors à 60 ans, il l’écouta et choisit d’oublier les surnoms. Wil avait quitté la maison de ses parents quelques jours plus tôt. C’est un nouveau départ pour lui. Quitter son ancienne vie lui permettrait peut-être de répondre aux nombreuses questions qui l’habitaient. Wil, Willie et William marchaient ensemble sur le chemin de fer, car ils savaient que s’il y avait des réponses, c’est là qu’ils les trouveraient.

 

 

RIEN N’ARRIVE POUR RIEN

Dix jours passèrent et Wil refusait toujours de discuter. Le vieil homme se souvenait être passé par cette étape lui aussi. C’est normal, pensa-t-il, parler des évènements est difficile et ça prendrait du temps avant que Wil soit prêt. Seulement, William savait que de nommer les agressions était le seul moyen de les oublier, ou du moins de les accepter. L’homme âgé avait appris avec le temps que peu importe la difficulté des évènements que la vie lui avait imposés, rien n’était arrivé pour rien et ces derniers avaient fait de lui l’homme qu’il était maintenant. C’est ce qu’il essayait de faire comprendre à Wil, mais la colère que celui-ci portait en lui était plus grande que tout ce que l’homme aurait pu lui dire. Parfois, seul le temps peut arranger les choses.

LA QUERELLE

La tension entre Wil et William s’était accentuée au fil des jours, jusqu’au déclenchement d’une querelle. Willie, le plus jeune des trois, ne comprenait pas le sens de la dispute. Même s’il avait également vécu les évènements qui causaient toute cette discorde, il était encore trop jeune pour en saisir l’impact. Bien sûr, il les comprendrait plus tard. Mais pour l’instant, il ne pouvait que tenter de calmer les tensions, car il ne voulait pas que le groupe se sépare. La rage que Wil portait en lui était plus forte que la raison. Le fossé entre le passé et l’avenir du jeune homme se creusait alors qu’il s’éloignait du groupe.

LA VÉRITÉ

Une semaine était passée depuis le départ de Wil. Depuis, de nombreuses questions s’enchaînaient dans la tête de Willie. Il faisait très beau ce matin-là. Le ciel était dégagé et les rails s’étendaient à perte de vue. Le garçon prit son courage à deux mains et se décida à interroger William sur ce qui était arrivé à Wil. Le vieil homme s’arrêta brusquement et réfléchit. Comment pouvait-il avouer à l’enfant ce qui était réellement arrivé? Il savait bien qu’expliquer à Willie ce qui avait créé ce conflit révèlerait l’atroce vérité sur son père et ses actions. Après quelques minutes de réflexion, il sut qu’il était temps pour Willie de connaître la vérité : « Tu sais Willie, dit William, ce que ton père fait lorsque personne ne regarde n’est pas quelque chose de bien. Ce n’est pas non plus quelque chose que tous les pères font. Ça se nomme un viol et c’est pour cela que Wil souffre autant. Le seul moyen pour lui de guérir est de se rendre au bout des rails, que ce soit avec ou sans nous. »

Les heures suivantes se passèrent dans le silence, car après une nouvelle comme celle-ci, l’enfant n’avait plus envie de discuter.


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