Retracer le cheminement identitaire d’une communauté par sa musique. C’est l’intention derrière Mbilim Noon : d’hier à aujourd’hui de l’artiste sénégalais Rich’Art Ndione et Le Saawal. Paru en février dernier, cet album dérive des recherches doctorales de l’ethnomusicologue Anthony Grégoire dans 37 villages de la région de Thiès au Sénégal. Anthony Grégoire est originaire d’Amos et mène depuis dix ans des recherches dans la région de Thiès auprès de la communauté noon et s’intéresse à sa musique : le mbilim.

« Quand je suis arrivé sur place pour mon terrain doctoral, [réaliser un album] n’était pas prévu. Je me suis rendu compte que la culture sur laquelle je travaillais était en train de disparaître, lance d’entrée de jeu Anthony Grégoire. Avec les artistes avec qui je travaillais, très rapidement est venue sur la table l’idée de patrimonialiser le style de musique qu’ils font. »

Or, le mbilim n’est pas reconnu comme pratique musicale patrimoniale au Sénégal. « Quand j’ai parlé avec la direction du patrimoine du Sénégal, le mbilim n’était pas sur la liste des pratiques culturelles à patrimonialiser et l’intérêt ne semblait pas vraiment là pour aller de l’avant non plus, explique le chercheur. On s’est dit : “On va contourner la situation en produisant un album”. »

Réputés comme population autochtone de la région de Thiès, les Noons se comptent au nombre d’une dizaine de milliers d’individus. Ils sont autant à parler la langue noon et à pratiquer le mbilim. À l’image d’autres communautés autochtones dans le monde, celle-ci fait face à la menace de la dégradation des référents culturels. C’est d’ailleurs ce constat ainsi que l’intention d’agir devant ce problème qui régissent le travail du chercheur. Et toute la communauté s’est mobilisée devant l’initiative. « Ces 37 villages-là sont en train d’entrer en ébullition avec cette recherche que j’ai faite et avec les artistes impliqués pour essayer de redécouvrir leur propre patrimoine culturel », observe Anthony Grégoire. Pour l’ethnomusicologue, anthropologue et musicien, le travail autour de la tradition musicale mbilim agit comme moteur d’une redécouverte culturelle plus large, touchant également les pratiques rituelles et tout ce qui appartient à l’identité noon. « Il y a une espèce de revivalisme très important qui s’enracine dans le projet », note-t-il.

Condensé des 10 ans de recherche d’Anthony Grégoire dans la communauté noon, Mbilim Noon : d’hier à aujourd’hui retrace plus de 150 ans de tradition musicale, du mbilim tel que s’en souviennent les aînés jusqu’à ses formes contemporaines. Plus qu’un voyage musical et temporel, l’album met en lumière l’évolution de la communauté elle-même. « On a voulu matérialiser [cette recherche] et découvrir le cheminement identitaire de la communauté à travers sa musique depuis les 150-200 dernières années », résume Anthony Grégoire.

L’album produit sous l’étiquette VDE-Gallo est distribué à l’échelle internationale. Il est également disponible pour écoute sur les plateformes numériques.


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