Le soir du 20 février, à l’Agora des Arts, cinq artistes ont raconté avec courage le quotidien de centaines de milliers de personnes, incluant eux-mêmes, lors du printemps érable à Montréal, des manifestations en Espagne, en Iran, à Taïwan et en Tunisie, par vidéoconférence.

5 voix différentes, 5 voies communes

C’est de langues et de nationalités différentes, mais d’une passion tout aussi dévorante, qu’ils parlent des situations d’itinérance, des arrestations et des violences policières qu’ils ont vécues pendant de nombreux jours de lutte et d’espoir.

« J’ai peur pour mon pays. Je l’aime comme tu l’aimais », raconte avec désolation Ons Trabelsi dans une lettre à son père, qui a fui la Tunisie. C’est avec un mélange d’amour et de colère qu’elle a participé au printemps arabe après la réélection du président Ben Ali en 2011.

C’est ce même sentiment qui a motivé les cinq artistes à défendre les personnes laissées pour compte. Au fil des récits, on aurait juré avoir participé aux manifestations avec eux : les échecs, les réussites et le désir de justice accompagnent le spectateur même une fois la pièce terminée. On ne peut pas rester insensible à la connexion qu’apporte le média choisi pour cette pièce. Ici, Internet n’est pas un moyen de s’isoler, mais bien un outil rassembleur, qui permet une communion profonde et particulière entre le spectateur et l’artiste.

L’art comme moyen de s’unir les uns aux autres

« En tant qu’artiste, je me disais que si l’ile échouait à lutter contre l’envahisseur de la Chine, l’art se devait d’être engagé », souligne Yu Yen-Gang, membre du mouvement tournesol à Taipei en 2014. Elle n’est pas la seule à avoir décidé d’utiliser l’art comme moyen de pression.

C’est par exemple le cas de Jean-François Boisvenue, militant lors du printemps érable de 2012 à Montréal, qui projetait des phrases sur de grands monuments pour dénoncer l’augmentation des frais de scolarité au Québec. Un autre des artistes invités peignait, quant à lui, des toiles caricaturales des répressions vécues dans son pays à l’époque.

Une œuvre éphémère

L’art permet de dénoncer, mais aussi de rassembler. Sur scène, différents objets sont rattachés ensemble, signifiant le lien qui unit les artistes. On peut voir un matelas très abimé sur lequel a dormi David Teixido, qui a vécu trois mois dans la rue à Barcelone, faute d’actions du gouvernement dans la crise du logement que subissait le pays en 2011.

La rue a aussi laissé des traces chez Rambold Vala, victime de brutalités policières à Téhéran. Les artistes racontent : « Quand tu es dans les rues, le silence précède souvent la violence. Nous étions les seigneurs de la rue, la rue nous appartenait. »

On observe également le voile d’Ons Trabelsi, devenu obligatoire après que le président Ben Ali ait fui les manifestations.

Ce ne sont là que quelques-unes des traces de luttes de ces courageux artistes. À la fin de la pièce, les spectateurs sont invités à tirer sur les cordes pour soulever les objets dans les airs : on crée ainsi une œuvre collective qu’on peut admirer, symbole de la force et du courage des manifestants.

Un sentiment d’inachevé

Plusieurs ont réalisé avoir vécu une révolution seulement après coup. Certains quittent avec un sentiment d’impuissance, mais ils sont tous fiers d’avoir pris part à ces grands bouleversements.

« La révolution me manque parce que c’est un lieu qui donne un but », ajoute David. Chacun acquiesce avec conviction. Les manifestations sont effectivement terminées, mais pas la révolution. C’est le message d’espoir sur lequel nous laisse cette magnifique pièce interactive.


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