Le 11 août dernier, l’auteure d’origine rouynorandienne Louise Desjardins faisait paraître son nouveau roman, La fille de la famille. On y suit l’évolution d’une jeune fille devenant femme dans un Québec où les inégalités envers celles-ci sont encore criantes. Elle apprendra, parfois à la dure, à prendre sa place et à construire la vie qu’elle désire.

D’entrée de jeu, l’œuvre se démarque par sa structure. Les courts chapitres, que l’on pourrait qualifier de fragments, s’alternent pour mettre en parallèle deux époques de la vie du personnage principal : de l’enfance à la fin de l’adolescence, puis dans la vie adulte. « J’avais lu (sur le fonctionnement) de la mémoire. Plus on vieillit, moins on voit ça d’une façon linéaire […] ça arrive par flashs. Je me suis dit, je vais essayer de mettre en parallèle des faits qui montrent que ce qu’on vit quand on est enfant, ça nous sert ou ça nous dessert quand on est plus vieux », explique Louise Desjardins. La construction de cette structure a nécessité beaucoup de travail, elle pense toutefois être parvenue ainsi à respecter un élan plus brut, plus naturel : « Quand on construit un roman de façon tout à fait chronologique, il me semble que c’est difficile qu’il n’y ait pas quelque chose d’un peu artificiel, de construit », précise-t-elle.

Les chapitres racontent de courtes anecdotes mettant en scène la protagoniste, sa famille et plus tard son conjoint, dans le quotidien ou dans des étapes charnières de sa vie. On la suit à travers ses premières amours, ses bonheurs et ses désillusions. On ressent également, tout au long du roman, sa fascination pour la littérature, qu’elle finira par pratiquer elle-même à la toute fin. Louise Desjardins ne s’en cache pas, ce roman est inspiré de sa propre vie. Ainsi, La fille de la famille est aussi un reflet de son chemin vers l’écriture et la publication.

FILLE DE LA FAMILLE, FEMME DANS LA SOCIÉTÉ

Dans La fille de la famille, la protagoniste grandit dans le Noranda des années 1950. Seule fille parmi cinq enfants, elle se fait constamment rappeler sa position au sein du noyau familial et reçoit une éducation marquée par les stéréotypes de genre.

Devenue adulte, cette réalité continue de la suivre, alors qu’elle est forcée de marier son conjoint pour pouvoir continuer d’enseigner au séminaire qui l’engage, ou encore, se fait refuser un congé de maternité, tel qu’illustré ici : « C’est tout à fait normal qu’y ait pas de congé pour accoucher, madame, vu que c’est pas une maladie. » (p. 105)

Malgré tout, la protagoniste s’efforce de faire valoir ses droits. Il est frappant, pourtant, de constater que même chez ce personnage déterminé et revendicateur, la reproduction de schémas de genre n’est pas bien loin. C’est elle qui se démène pour l’entretien de la maison, les soins des enfants, etc. Même s’il est rassurant de constater que depuis l’époque décrite, bien des choses ont changé pour le mieux, il est frappant de voir que d’autres demeurent d’actualité. Les mains baladeuses trop fréquentes décrites dans certains chapitres n’ont-elles pas été dénoncées dans trois mouvements marquants des dernières années? Ainsi, La fille de la famille raconte l’histoire d’une vie, mais aussi celle des batailles quotidiennes menées par les femmes d’un Québec pas si lointain. « Je trouve que c’est important de faire cette histoire-là. On a beaucoup fait l’histoire du Québec, des hommes, de la politique […], mais on n’a pas beaucoup fait l’histoire du quotidien des femmes, des familles […] Je me suis dit, il est temps que l’on fasse des histoires de femmes, de familles, qu’on voie où est-ce qu’on est rendus, je sentais le besoin de faire un peu le point là-dessus », confie Louise Desjardins.

Fascinée par les livres depuis l’enfance, Louise Desjardins n’avait pourtant jamais envisagé d’écrire et de publier avant la fin de la trentaine. Avec ce septième roman marqué par un regard juste, sensible et parfois ironique, on peut croire que le destin en a voulu autrement.