Depuis le début de l’aventure du balado Appropriation culturelle, on fait plusieurs rencontres très intéressantes. En juin dernier, nous avons pu discuter longuement avec l’enseignante de Pikogan Sammy Kistabish, accompagnée de la chercheuse en didactique de l’Université de Sherbrooke, Christiane Blaser. Ces deux femmes sont à l’origine d’un projet tout à fait innovant, soit la mise en place d’un salon du livre destiné principalement aux élèves de l’école primaire Migwan, mais également à la communauté.

Ce projet passionnant a été un prétexte pour parler de culture, de langues autochtones et de rapprochements entre allochtones et autochtones. La réalité est frappante, comme le raconte Mme Kistabish : les langues autochtones se sont effacées avec les années et continuent de l’être, même si de plus en plus d’efforts sont faits pour les préserver. « Il y a plusieurs communautés où les chances de perdre leur langue sont grandes parce qu’ils ne la parlent plus couramment, a-t-elle expliqué. C’est dommage, mais c’est ça qui arrive. Si je ne parle pas à mes petits-enfants et si je ne parle pas dans ma langue, ils ne l’apprendront jamais. »

Les pensionnats sont directement liés à cette disparition progressive. « Mon père et ma mère parlent très bien l’algonquin, affirme Mme Kistabish. Par contre, mon père ne voulait pas me parler ma langue parce que lui, quand il avait six ans, au pensionnat, il ne pouvait pas s’exprimer en algonquin. Il voyait ceux qui parlaient leur langue se faire mettre du savon dans la bouche. Il a eu très peur et il ne l’a jamais reparlée. » Heureusement, grâce à sa grand-mère, Sammy Kistabish a pu apprendre la langue anicinabe.

Mme Kistabish a d’ailleurs vécu une situation cocasse lorsqu’elle a dû renouveler les poêlons pour sa cuisine. Ayant appris le vocabulaire avec sa grand-mère, elle s’est exprimée dans sa langue et a demandé au commis d’une grande chaîne canadienne de pneus (pour ne pas la nommer) : « Excusez-moi, avez-vous des asekon? » Le commis était évidemment décontenancé et Mme Kistabish a dû décrire l’objet pour finalement trouver le mot français.

Aujourd’hui, l’enseignante remarque avec bonheur une grande amélioration de la langue chez son petit-fils, à qui elle parle plus régulièrement algonquin, et l’année 2020 a été marquée par la troisième édition du Salon du livre de Migwan.


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