La relation environnement-culture entre l’Anicinabe et le territoire gagne à être connue. Depuis des millénaires, les Anicinabek sillonnent le terrain et en ont appris tous les rudiments. Malheureusement, ces savoirs ancestraux se perdent. Pour la communauté de Wolf Lake First Nation (WLFN) au Témiscamingue, c’est en enseignant la culture, les traditions et les techniques par l’entremise d’activités variées et en amenant leurs membres sur le territoire en bulle familiale ou même virtuellement qu’ils ont réussi à maintenir les enseignements vivants en pleine pandémie. La communauté est en effet une leader dans le domaine de la transmission virtuelle des connaissances traditionnelles : elle a diffusé plus d’une dizaine de formations en un an grâce au projet Knowing Our Spirit.

Ogabadan kôn Kisis, lorsque la lune est en croissant, qu’elle a l’air d’un bol qui amasse la neige, c’est le meilleur temps d’aller trapper les lièvres (wabooz) puisqu’ils sont très actifs. C’est ce que Julia Wabie-Coleman, la coordonnatrice culturelle de la communauté de Wolf Lake, a appris de sa grand-mère (kokom) Rose Ann Wabie lors de la préparation d’une activité de trappage de lièvres pour le projet Knowing Our Spirit. Pendant deux semaines et demie, ces femmes ont installé des collets en laiton et les ont vérifiés tous les deux jours pour capturer des lièvres afin de monter une présentation pour les membres de WLFN en mars dernier.

Durant toutes ces sorties plein air, Julie Wabie-Coleman a eu l’occasion de reprendre contact avec sa grand-mère et d’être en symbiose avec le territoire, d’en apprendre plus sur les relations entre celui-ci, les animaux et les connaissances ancestrales, mais aussi entre les animaux eux-mêmes. « Voir ma kokom avec une énergie renouvelée, se promener et occuper le territoire, cela m’a fait comprendre que les personnes aînées ont encore beaucoup à apporter, mais que c’est juste nous qui ne les utilisons pas. »

À l’époque, le trappage de lièvres était une source de nourriture importante pour les Anicinabek. On les préparait surtout en ragoût mijoté. L’hiver, c’est plus facile puisque les traces sont bien visibles, mais il est possible de capturer l’animal à longueur d’année en l’observant bien, puisque celui-ci tend à utiliser les mêmes sentiers. Sauf en cas d’exception lors de période de famine, le lièvre était chassé ou trappé de l’automne au printemps afin de laisser à l’espèce du temps pour faire grandir une nouvelle génération.

Traditionnellement, on chassait le lièvre à l’arc quand c’était possible, mais l’hiver, pour augmenter les chances, le trappage était une technique plus passive et moins énergivore. Les Anicinabek préparaient les tendons des cervidés en un cordage en forme de cercle pour tendre le piège. Une fois la capture faite, on dépose du tabac pour remercier l’animal et le créateur. Tout ce qui peut être utilisé chez l’animal est maximisé et ce qui ne peut l’être est retourné à la terre et pourra servir à d’autres pour compléter le cycle de la nature.

Aucun manuel d’instruction ne peut apporter autant de connaissances qu’un après-midi dans les bois avec une personne aînée. Celle-ci connaît les gestes et les enseignements importants à transmettre. « Il arrive des situations où il faut aussi s’adapter et offrir aux membres de sa communauté d’autres moyens de faire vivre les expériences et des enseignements traditionnels, j’ai la chance que ma kokom veuille partager son savoir, et ce, même devant la caméra! » affirme Julia Wabie-Coleman, en parlant du projet Knowing Our Spirit.