En janvier dernier, le gouvernement provincial annonçait le début de sa démarche de consultations afin de se doter d’une stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Cette annonce a été accueillie chaleureusement par plusieurs organismes impliqués dans la lutte aux changements climatiques, qui l’attendaient avec impatience. Mais peut-on vraiment sauver le monde en le planifiant? 

« Certainement! affirme Me Annie-Sophie Dorée du Centre québécois du droit de l’environnement. Cela fait 20 ans qu’on demande aux gens de recycler et de fermer le robinet en se brossant les dents. Là, on demande à l’État de faire sa part. C’est lui qui va donner l’impulsion, qui va faire les gestes les plus marquants ». Elle donne en exemple les actions visant à revitaliser les centres-villes pour y encourager les transports actifs. « C’est par la force des choses que les comportements individuels vont changer. L’orientation doit être donnée par l’aménagement du territoire ».

Étalement urbain, protection des milieux naturels, protection des terres agricoles et milieux humides en danger… Quand on y pense, il y a peu d’enjeux environnementaux qui ne sont pas liés à notre façon d’aménager le territoire. « Les outils mis en place par les gouvernements vont influencer comment on se développe, comment on se construit, comment on se déplace, précise Me Dorée. Ça va avoir un impact direct sur les émissions de GES (gaz à effet de serre) ». La stratégie nationale permettrait donc de moderniser ces outils.

UNE AFFAIRE DE GRANDES VILLES? 

Avec ses grands espaces et son taux d’accroissement de la population relativement faible, on pourrait croire que la plupart des questions d’aménagements ne concernent pas l’Abitibi-Témiscamingue. « On a souvent l’impression que l’étalement est un enjeu très urbain, mais ça menace toutes les villes de taille moyenne. Rouyn-Noranda a certainement des aménagements qui ne sont pas optimaux pour le bien-être des citoyens et les changements climatiques », explique Me Dorée. Selon elle, on pourrait aménager des quartiers qui sont davantage multiusages dans le but de diminuer la dépendance à l’auto solo. Sachant que le transport est le secteur d’activité contribuant le plus aux émissions de GES du Québec, les régions comme l’Abitibi-Témiscamingue devront elles aussi préférer la densification à l’étalement urbain si elles veulent réduire leur empreinte environnementale.

Mais la densification ne se fera pas d’elle-même. À l’heure actuelle, le mode de financement des villes encourage davantage à aménager le territoire plutôt qu’à le conserver. Si à première vue la fiscalité municipale n’a rien de sexy, c’est pourtant un des éléments majeurs à surveiller lors des consultations de la stratégie nationale. En effet, les villes sont dépendantes de la taxe foncière pour augmenter leurs revenus. Cela a pour effet d’encourager de nouveaux aménagements immobiliers, toujours de plus en plus éloignés. Cet incitatif à l’étalement urbain ne sera cependant pas facile à remplacer : la taxe foncière représente à elle seule 56 % du financement des municipalités!

UNE AFFAIRE D’URBANISTES?

Bien que le sujet puisse sembler obscur, les citoyens ne doivent pas se sentir exclus de la conversation. C’est justement pour encourager la population à participer en grand nombre aux consultations pour l’élaboration de la Stratégie nationale que l’Alliance Ariane, un regroupement d’organismes qui souhaitent que l’aménagement du territoire et l’urbanisme soient une priorité au Québec, a lancé le mois dernier l’initiative Parlons Territoires. « C’est l’initiative pour démocratiser la conversation nationale, explique Me Dorée. C’est important que les citoyens s’intéressent aussi à la conversation puisque la majorité des enjeux environnementaux qu’ils vont rencontrer près de chez eux vont partir d’un enjeu d’aménagement du territoire ».


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