Depuis décembre 2018, la Première Nation de Kebaowek (Kipawa) collabore au Projet Aki Sibi afin de créer une aire protégée et de conservation autochtone (APCA) pour les sept communautés impliquées. Bien que la demande de soutien financier ait été refusée deux fois, ce n’est absolument pas la rigueur du projet qui est remise en cause, mais plutôt un déficit de budget qui empêche d’en accepter plusieurs à la fois et qui oblige à trancher parmi tous ceux soumis. C’est dans ce contexte d’une troisième tentative que nous avons rencontré Justin Roy.

« Je pense que protéger la nature, les animaux, les arbres et l’eau, ce sera toujours une chose sur laquelle nous serons tous d’accord… et ce sera un élément clé pour le Projet Aki Sibi », observe Justin Roy, agent de développement économique et membre du Conseil de la Première Nation de Kebaowek. Cependant, il déplore l’absence d’appui de la part du gouvernement québécois, qui ne reconnaît pas le projet. Au moins, la Première Nation de Kebaowek peut compter sur une contribution fédérale puisqu’elle participe à l’initiative En route vers l’objectif 1 du Canada, qui visait la conservation d’au moins 17 % du territoire terrestre et 10 % des eaux d’ici la fin de 2020, un objectif qui a été atteint.

Néanmoins, il est possible que les communautés anicinabek impliquées ne soient pas toutes en accord avec le principe two-eyed seeing, soit « la vision à deux yeux ». Ce principe fait référence à l’idée « [d’]apprendre à voir d’un œil avec les forces des savoirs et des modes de savoir autochtones, et de l’autre œil avec les forces des connaissances et des façons de savoir occidentales – et [d’] apprendre à utiliser ces deux yeux ensemble au bénéfice de tous » (Rapport, 2018). C’est là, pour Justin Roy et la communauté de Kebaowek, une condition essentielle qui permettrait au Projet Aki Sibi de prendre son envol.

Il compare les APCA à Parcs Canada et à la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ), qui ont des territoires protégés pour la conservation de l’environnement et de la biodiversité. Si de tels organismes existent déjà, alors pourquoi financer Aki Sibi? Pour l’apport inestimable des connaissances et valeurs autochtones. « Dans l’esprit des Autochtones, il y a une mémoire, des instructions originales qui peuvent définir notre humanité. Toutes ces instructions originales sont basées sur des valeurs et des enseignements qui assurent la survie et le respect de la terre et de ses lois naturelles. Notre peuple a toujours compris que “toute vie est connectée.” Vous ne pouvez pas fragmenter la Terre avec les politiques ou les structures » (Rapport, 2018).

Justin Roy soutient qu’un projet de cette envergure « influence les communautés autochtones pour aider à protéger l’environnement, le côté secret de la culture ». C’est-à-dire que d’amener les Premières Nations participantes à intervenir dans le projet contribue à la réappropriation de leur culture et de leur attachement non négligeable au territoire. C’est pourquoi la nécessité du Projet Aki Sibi repose sur le développement de leur propre territoire protégé.


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