Michael Bédard fait partie de ces jeunes artistes dynamiques grâce auxquels la scène artistique et culturelle de l’Abitibi-Témiscamingue est toujours en effervescence. Qu’il s’agisse de l’écriture, du théâtre ou de l’improvisation, il entreprend de nombreux projets, car l’art est pour lui une façon de vire, une façon d’habiter le monde. Je l’ai rencontré pour discuter avec lui de son confinement et de ses projets toujours plus nombreux malgré le poids de l’incertitude et toujours plus originaux les uns que les autres.

Le questionnaire

F.A: Comment as-tu vécu le confinement?

M. B: Pour moi, c’était comme une libération. En fait, je l’ai pris du bon côté. C’est sûr qu’au début, il y a eu un moment d’adaptation : tout fermait, la routine qui changeait, les contrats qui s’annulaient, l’impro qui se terminait. En plus de ça, il y avait beaucoup d’incertitude. Ça m’a pris un peu de temps pour m’adapter à tous ces changements, mais après j’ai découvert une forme de paix intérieure. Tout le monde prenait le temps de prendre le temps. C’est drôle comme expression, mais c’était ça. Peu importe ton origine ou ta résidence, tout le monde vivait un peu la même chose. Il y avait une forme de solidarité sur les réseaux sociaux. On vivait tous la même chose, on se sentait sans doute plus proches. En voyant ça, j’avais l’impression qu’on allait s’en sortir plus grand comme société. Maintenant qu’on est en plein déconfinement, j’ai hâte de voir si l’humain est une bête qui s’adapte ou qui retourne à ses vieux plis. En tout cas, ça m’a permis d’en apprendre beaucoup sur moi-même.

Au niveau artistique, j’ai démarré le projet 365 jours de peine d’amour en octobre 2018. C’était un projet de publication d’un texte par jour pendant un an. À la fin du projet, en octobre 2019, il y avait la volonté de trouver une maison d’édition pour un projet de livre. La pandémie m’a permis de me concentrer sur ce projet en faisant de la réécriture.

F. A: On peut donc dire que tu as réussi ton confinement…

M.B: C’est drôle. Personne ne l’avait verbalisé comme ça. Je l’ai réussi, car il m’a permis de devenir un meilleur écrivain. Mais mon corps dirait que j’ai plus ou moins réussi.

F. A: Quelle est la recette pour réussir son confinement?

M. B: Le lâcher prise. On n’a aucun contrôle sur rien. C’est Horacio Aruda, Mme McCan et Legault qui nous disent chaque jour ce qu’on peut faire. Dès que j’ai été capable de lâcher prise, j’ai pu vivre. C’est le mot : j’ai pu vivre.

F. A: Qu’as-tu appris sur toi?

M. B: Ça m’a permis d’apprendre que je fonctionne mieux quand je peux prendre le temps. Je n’avais pas l’occasion de prendre le temps avant. J’ai trouvé aussi que l’être humain était plus solidaire qu’on le pense. Ça m’a fait réaliser qu’on est tous pareils dans nos doutes, dans nos peurs. Quand on n’a pas d’autre choix que de les dévoiler, on peut s’aider les uns les autres.

D’un point de vue artistique, le confinement m’a révélé que je pouvais créer dans des situations contraignantes. Avec des amis de la Ligue d’impro d’Amos, Benoit Saint-Pierre et Mathieu Proulx, on a démarré un projet d’improvisation qui s’appelle Lalilababa take-out. C’est un projet de podcast à la Mike Ward, mais il est en humour alors que nous c’est en impro. On a reçu des joueurs de grand calibre sur la scène provinciale tels Frédéric Barbusci, Marie-Ève Morency, les gars des Volubiles, entre autres, bref de grands improvisateurs. Ce projet m’a comblé. Cela faisait longtemps qu’il trottait dans ma tête, mais je n’avais pas l’occasion de le faire. Le confinement m’a permis de trouver de nouveaux moyens pour créer.

F. A: Le confinement a donc été inspirant pour toi?

M. B: Oui et non. On en entendait tellement parler que j’essayais de ne pas trop en parler moi-même. C’est sûr que c’est une toile de fond. Dans 365 jours de peine d’amour, j’ai mis en œuvre un dispositif qui me permet de le commenter en temps réel. Je sentais que je n’avais pas d’autre choix que d’évoquer la question de la pandémie. Je l’effleure, mais j’essaie le plus possible de m’en éloigner, car je crois qu’on avait besoin de vivre autre chose. C’est un piège. Instinctivement, je me suis dit que ça va marquer l’histoire. Mais c’est un piège de s’enfermer là-dedans. Pour moi, cette pandémie, c’est comme la mode. Ça va disparaitre, ça va se démoder.

F. A: D’autres projets?

M. B: On a un projet de podcast avec 365 jours de peine d’amour. Certes, ça a duré 52 semaines, mais on va continuer au-delà de ça avec MédiAT qui m’aide au niveau technique. Il y avait un projet de théâtre ambulant à Rouyn-Noranda fin mai de reporté. C’est donc partie remise pour ce projet-là. Lalibaba take-out, c’est un projet né pendant le confinement. On risque de faire une deuxième saison avec la ligue à Amos. On va aussi faire Lalibaba en studio, des émissions de radio improvisées. On a l’idée d’un projet télé aussi avec MédiAT et TVC7, mais c’est embryonnaire pour le moment.

F. A: Y-a-t-il une œuvre qui t’a habité?

M. B: Pendant le confinement, j’ai pu regarder de vieilles séries québécoises sur Tout.tv comme Les invincibles et Série noire de Jean-François Rivard et François Letourneau. J’ai réalisé à quel point on faisait de la bonne télé au Québec. Ce sont des séries qui n’ont rien à envier aux séries américaines. J’ai redécouvert ces séries-là et c’est très inspirant.

Crédit: Charles Roussel


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