« L’insécurité installée depuis longtemps rongeait lentement cette fin d’adolescence. » (p.219)

C’est entourée d’anciens collègues, d’amis, de membres de sa famille et de voisins que Raymonde Proulx a lancé son livre en septembre dernier, ce qui conféra à l’événement une ambiance bon enfant et chaleureuse.

Cette femme de poigne a tout orchestré d’un bout à l’autre, y inclus les illustrations, la publication et le lancement, qui incluait un vernissage des tableaux d’une de ses sœurs et le projet d’observatoire astronomique d’un de ses frères. Femme de cœur, Madame Proulx de Manneville exprime son penchant pour sa langue natale et sa terre natale. Son nom de plume témoigne de son attachement à la région et à l’histoire (Sieur de Manneville était aux côtés de Montcalm; après la mort de ce dernier, il fut signataire de la reddition de 1763).

À ce stade-ci, vous trouvez peut-être mon entrée en matière un peu longuette. Permettez-moi d’expliquer : la femme de cœur que je viens de vous présenter se retrouve au centre de ses écrits. Le livre s’avère un recueil de courts textes (dans l’ensemble entre trois et cinq pages), regroupés en quatre sections. La première section raconte l’enfance de l’auteure à Manneville, les premières années d’école, mais aussi des voyages. Il s’agit plutôt de souvenirs d’une autre époque, d’un autre temps. Le lecteur retrouve ici l’ambiance des soirées familiales animées par un-e adulte qui racontait sa jeunesse, nous entraînant pendant des heures dans les dédales de sa mémoire. Les deuxième, troisième et quatrième sections relèvent plus de la fiction et suivent donc les aléas du vocabulaire qui crée sa propre magie. Ces textes mènent le lecteur dans des nouvelles dont la fin surprend souvent et laisse parfois un peu pantois. Basés sur des petits faits du quotidien, ils nous ramènent à la vie, à la société dans son quotidien. Les deux derniers textes, dédiés respectivement à feus le père et la mère de l’auteur, constituent des textes plus complets et plus longs qui concluent favorablement ce recueil traversé par les angoisses de la création et les voyages introspectifs.

Ceux qui connaissent Madame Proulx trouveront probablement l’âme de l’auteur dans ces textes. Si vous aimez la recherche et le travail du vocabulaire, vous aurez sans doute du plaisir à lire ces nouvelles. Si vous êtes adeptes de la simplicité, alors, le style risque d’entraver un peu votre plaisir. L’écriture aurait sans doute bénéficié de l’expertise d’un bon éditeur. On retrouve aussi l’enseignante dans les notes en bas de page aussi bien que dans la présence d’un index et de cinq lexiques, dans l’utilisation de caractères gras pour la dernière phrase de chaque texte ainsi que dans la minutie qui ressort globalement du livre.

Ceci dit, ce recueil présente un ensemble de petits tableaux du quotidien ainsi que des portraits de famille, d’ami-e-s ou de passants qui constituent autant de clins d’œil à la vie, car c’est bien là le sentiment qui domine : la joie, le plaisir d’être en vie malgré les petits aléas et les détours. Sur ces vingt-sept récits, celui qui a particulièrement retenu mon attention s’intitule « Le thé et la pizza », par l’originalité du dénouement ainsi que par la délicatesse dans la présentation d’un thème si dérangeant, la maladie mentale. Vous lirez là une œuvre de cœur.


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