J’aime manger. Certains, mauvaises langues mais tout aussi fines bouches, me voyant de profil, me diront que j’aime trop ça. Laissons tomber, ce n’est pas le but de cette chronique. J’aime manger donc, le plus sainement possible, certes. J’aime aussi recevoir à souper, de temps en temps, mais je préfère surtout être reçu, le plus souvent possible. Moins de stress, moins de vaisselle après. Parlons donc manger. 

Il me semble qu’avant, c’était plus simple. Manger, cuisiner, recevoir semblaient plus faciles. Mères et grands-mères se fiaient à leurs connaissances, à leur expérience pour préparer des repas simples mais délicieux. Du goût, de la consistance et du plaisir. Avant, pour bien manger, il suffisait de connaître les quatre groupes alimentaires. Du pain et des céréales le matin, des fruits en collation, de la viande et des légumes au souper (j’en ai mangé du navet !), avec deux, trois verres de lait, surtout pour les enfants. Pas trop de dessert, ni de grosses portions. Et maman était fière de s’occuper ainsi des siens. Aujourd’hui, il faut presque un bac pour comprendre ce qu’il faut faire pour bien manger et faire plaisir aux docteurs. Mille théories, mille méthodes, mille régimes, tous aussi efficaces les uns que les autres, d’après ce que l’on entend. 

On ne mange maintenant plus pour combler sa faim, besoin essentiel, mais pour prévenir la maladie. Regardez le yogourt. Avant, c’était du yogourt, point. Un produit laitier, donc, qu’il fallait prendre, parce que c’était bon. Lisez les pots d’aujourd’hui, une vraie liste de médicaments : probiotiques, omega 3, ferments actifs acidophilus, bifidus et L. casei. Ça fait peur ! Mais on y gagnerait en bien-être, paraît-il. On gagne assurément au scrabble en tout cas ! 

Recevoir à souper aussi devient de plus en plus complexe. Ma mère, bonne cuisinière, dans sa sagesse, lance souvent : « on ne peut plus recevoir au pâté chinois ». Elle a raison. Avouez que ça ferait drôle de nos jours. Quand j’étais jeune enfant, ma tante nous invitait souvent à souper, avec mes parents, le dimanche soir. On mangeait un spaghetti italien, avec des boulettes. C’était très bon. Sans tambour, ni trompette, ni entrée, ni plateau de fromages, ni digestif. Il faut maintenant un livre de recettes, cinq services et les bons vins pour accompagner chaque plat. 

N’y a-t-il pas d’ailleurs trop de livres de recettes justement ? Pour les grandes occasions, pour les soirs de semaine, pour les boîtes à lunch des enfants, pour Noël et le jour de l’An, pour l’été aussi, sur le BBQ. Même en camping, il ne faut plus se satisfaire, je ne sais pas, d’une boîte de Kam ou de riz en boîte sur le poêle au propane. Non. Il y a un livre de recettes pour le plein air. Un autre ouvrage nous propose même de cuisiner « sexy », avec un tablier par-dessus la brassière, j’imagine. C’est 9 semaines et demie à la maison ! Pourquoi faire simple, finalement. Pendant ce temps, les librairies débordent de ces livres (livres d’images surtout) qui trônent au sommet des palmarès. Il y a même Joël Legendre qui nous propose une autobiographie gourmande. On aura vu ça de notre vivant ! Je n’ose parler de toutes ces émissions culinaires qui remplissent les grilles horaires. Ceux qui m’ont lu en septembre savent que j’ai une dent contre Ricardo de toute façon. Quoique certaines de ces émissions nous offrent des moments de télé hilarants quand vient le temps de découvrir des produits exotiques comme la palourde royale. 

Est-ce possible scientifiquement, ou sociologiquement, que des milliers et des milliers de Québécois se découvrent une passion pour la cuisine, en quelques années seulement ? Et en même temps, on crie haut et fort que le temps manque pour cuisiner, pour bien manger et que c’est pour cette raison que l’on se tourne vers les mets préparés et les repas surgelés. Allez comprendre ! Pour le souper de Saint-Valentin, ne vous cassez donc pas la tête. Vous savez déjà ce qu’il y aura pour dessert…


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.