Les concours ont ceci de bon qu’ils permettent à des talents de se faire voir, de se faire connaître et parfois même de lancer une carrière. Des artistes y présentent le fruit de leur travail, tentant du même coup de séduire un jury et, pour certains, de percer.

Comment déterminer avec certitude que l’un est plus talentueux que l’autre? Certes, la présence sur scène, l’émotion ressentie et la démarche artistique y sont pour beaucoup. Il est peut-être possible de départir une Marie-Hélène Thibert d’une Annie Villeneuve par les décibels produites, la durée des notes  tenues ou le nombre de poils redressés sur vos bras. Mais comment comparer Annie Brocoli à Plume Latraverse, ou encore Kent Nagano à Ariane Moffatt? Comment déterminer que l’apport musical de l’un est plus important que celui de l’autre? La question semble loufoque, voire totalement improbable: qui aurait l’idée de mettre ces artistes en compétition les uns avec les autres? C’est pourtant ce que nous propose le Conseil de la culture avec son Prix du public.

C’est une initiative louable que de vouloir récompenser un artiste de la région au scrutin populaire, surtout que du même coup les quatre autres seront aussi mis en valeur auprès du grand public. Notre milieu culturel est dynamique et bien vivant, mais nous ne sommes pas assez nombreux pour multiplier les catégories, les sous-genres et les remises de prix.

Mais comment procéder? Il faut des critères sur lesquels nous baser. En posant un regard attentif sur les cinq candidats, on constate à quel point la tâche et difficile et que le mérite de chacun est grand.

La jeunesse

La dernière année de Chantal Archambault lui aura permis de se faire connaître et d’acquérir plus d’assurance. Son nouvelle album lui aura procuré un succès d’estime et les  louanges de plusieurs têtes pensantes de l’industrie. Dans la plus pure lignée des artistes émergents, elle trace son petit bout de chemin, en utilisant les canaux déjà bien établi par l’industrie. Bien qu’étant l’artiste ayant le moins d’expérience dans le groupe, sa place parmi eux est tout de même justifiée par l’effort qu’elle y met et par son désir de faire carrière, mais en le faisant d’ici, où ses racines sont bien ancrées. Voter pour Chantal, c’est voter pour la jeunesse, pour l’effervescence et pour la possibilité d’une carrière florissante qui rejaillirait sur la région.

L’expérience

À l’opposé de Chantal se trouve Jacques Marchand et ses nombreuses années de métier derrière la moustache. Sa présence en région aura permis de développer une culture musicale de pointe, de cultiver un terreau des plus rigoureux et respecté. Il contribue à faire vivre le patrimoine musical de l’humanité ici en région, tout en permettant à des musiciens de jouer une musique à la hauteur de leur talent. L’importance de son apport musical est telle que le logo de l’Ensemble Aiguebelle reprend son image de marque. Voter pour Jacques, c’est voter pour l’expérience, pour la vision de développement, pour un talent d’ici reconnu ailleurs, pour la présence d’un grand orchestre en région et une démocratisation de la musique par la création, comme la partition du Paradis du Nord qu’il a signée.

Le don de soi

Moins connu que ses comparses, Gaétan Roberge impressionne pourtant autant pour son  impact sur le milieu musical que que la longévité impressionnante de son action. Ce pédagogue musical aura contribué à la formation de nouveaux talents et à l’éclosion de nombreuses passions en région. Le travail dans l’ombre permet parfois d’offrir des petits bijoux qui, eux, capteront la lumière et la feront rejaillir sur autrui. L’enseignement de la musique et la direction de chorales tel qu’il les pratique, c’est un don de soi et un échange de connaissance qui contribuent au développement de l’identité culturelle de la région. Voter pour Gaétan, c’est voter pour la musique comme outil de rassemblement, c’est voter pour le partage et voter pour les générations futures de musiciens.

La simplicité

La musique est tout d’abord un moyen de communication et Martin Bernard l’a bien compris. Ses créations, sa culture rassembleuse et surtout le plaisir communicatif qu’il a à partager sa musique rendent sa candidature pertinente. Dans la plus pure tradition des gosseux de chansons, il peaufine ses pièces une à une, sans flafla, pour le simple plaisir de créer. Secret bien gardé, presque confidentiel, à l’image de son Témiscamingue natal avec lequel il partage une beauté sauvage et une chaleur rassurante, il offre sa musique autant lors de spectacles organisés que de soirées à la sauvette. J’ai eu la chance de participer à un «Off Foire gourmande» improvisé sur une galerie où Martin Bernard, doucement, chantonnait ses airs, comme si la musique, la sienne, devenait une manière pour lui de prendre contact avec autrui, un contact d’humain à humain, guitare en main. Voter pour Martin, c’est voter pour la simplicité, pour le plaisir de la musique, pour un artisan de la chanson qui offre un travail de qualité.

L’enfance

Si les enfants ont le droit de voter pour le Prix du public, il y a fort à parier que Gilles Parent raflera les honneurs. En oeuvrant pour les petits, il crée de nouveaux publics, il fait de l’artiste un être socialement utile. Il est d’autant plus noble que ce travail est souvent dénigré par les plus grands. Faire aimer sa musique par les plus jeunes n’est pourtant pas donné à tous puisqu’un enfant, c’est honnête et ça n’aime que ce qui le touche réellement. Dans ce milieu où le costume, les maquillages et les personnages sont rois, Gilles Parent mise sur la simplicité, la force de ses mélodies et la candeur de ses textes. Et ça fonctionne, et pas seulement en région. Voter pour Gilles, c’est voter pour la naïveté de la création, pour le futur, pour la valeur pédagogique de la musique.

C’est bien beau tout ça, mais on fait quoi? Surtout, on vote, on fait connaître son opinion et on y va avec son coeur. Puisque la musique c’est surtout ça: un véhicule pour les émotions qu’on exprime si mal autrement. 


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