Et si on philosophait un peu? Ça ne peut faire de tort à personne de réfléchir, de refaire le monde, de se poser des questions
sans toujours y répondre, juste pour remettre les choses en perspective. Histoire de faire la lumière sur certains aspects, certains points de vue et de s’ouvrir un peu les schèmes de la pensée. Allons-y donc avec une question fort simple : Qu’est-ce que l’art? Question si simple à réponses multiples fort plus complexes.


La prémisse de cette interrogation vient du fait qu’une Abitibienne fort talentueuse – pour plus de transparence, précisons qu’il s’agit de la fille de la cousine de mon père, bref de la famille éloignée –, Valérie Gourde, a été sélectionnée via une campagne web remarquée pour faire partie des auditions de Star Académie. Il fallait donc se demander, advenant le cas qu’elle participe à la populaire émission de télé-réalité, si le journal culturel de l’Abitibi-Témiscamingue allait traiter de ce sujet. Il n’est pas ici question de juger du talent de la chanteuse, mais bien de la pertinence artistique de ce sujet.


Serait-ce du snobisme de ne pas parler de cette manifestation fort populaire, simplement parce qu’elle l’est, populaire? Qu’est-ce qui détermine ce qui se qualifie comme oeuvre artistique et ce qui n’est « que » du divertissement? Le divertissement réussit bien souvent à captiver les gens, à faire vivre des émotions, à émerveiller et à faire rêver: ce prodigieux pouvoir doit bien avoir une quelconque valeur! Si un grand nombre de gens aiment quelque chose, n’est-ce pas parce qu’ils ont été touchés?


C’est une question complexe. Car ce n’est pas parce qu’une oeuvre est populaire qu’elle est excellente d’emblée, mais la popularité ne devrait pas nous empêcher de reconnaître la valeur artistique. À l’inverse, la fine pointe de l’avantgardisme peut générer des créations médiocres, mais dans les créations marquées par l’audace, la recherche et l’originalité peut se trouver ce petit quelque chose de mystérieux qui va nous bouleverser pendant des jours sans qu’on ne comprenne pourquoi. Rien n’est que noir ou que blanc : la réponse doit se trouver quelque part entre ces deux tendances.


Pas tous des Picasso
L’art a ça de bien qu’il peut s’écrire, et du même coup se vivre, avec un petit comme un grand « A ». Il serait donc sage de croire que l’art peu se décliner sous plusieurs formes. L’art devrait de prime abord être un moyen d’expression via l’une des disciplines artis-tiques. Est-ce que ça veut dire que les dessins de mes enfants sont de l’art? Non? Et pourtant, ça ressemble étrangement aux traces retrouvées dans les grottes de Lascaux, là où, selon certains experts, l’art visuel a pris naissance…


En art moderne, on parle souvent de réflexion et de démarche pour justifier le fait artistique. C’est donc ce qui amène au geste, c’est l’idéation et la recherche qui font d’une oeuvre une véritable oeuvre artistique. Lorsque Kazimir Malevitch a peint Carré blanc sur fond blanc en 1918, plusieurs ont crié au scandale tandis que d’autres l’ont louangé et on fait de lui l’un des pères du modernisme en peinture. Faut-il absolument être à l’avant-garde des tendances et des mouvements pour faire le l’art? Un p’tit jeu qui se joue à deux


Et le spectateur dans tout ça? Si la compréhension d’une oeuvre lui est inaccessible, comment peut-il l’apprécier? On dirait parfois qu’il y a deux classes d’art : celui pour les initiés et celui pour le reste des gens. L’art, pour qu’il puisse être utile (c’est-à-dire toucher, choquer, faire réfléchir, émouvoir), il faut que les gens y aient accès. Et avoir accès à l’art signifie pouvoir aller à sa rencontre, savoir où le trouver, mais aussi être en mesure de l’apprécier. S’il est du ressort de l’artiste de se faire voir, il est de celui du spectateur d’avoir tous les outils en main pour décoder ce qui lui est offert.


Mais où trouve-t-on ces fameux outils? L’école, l’éducation et la famille devraient pouvoir en fournir aux plus jeunes; malheureusement, ce n’est pas toujours le cas, faute de temps, de ressources ou encore de connaissances. Qui d’autre alors? Et les plus vieux, ceux qui sont loin des bancs d’école? La clé de la découverte réside sans doute dans la curiosité et l’intérêt envers la chose. C’est en côtoyant l’art qu’il est possible de le démystifier, de l’apprécier et du même coup de réussir à le comprendre… du moins parfois! Car au fond, l’oeuvre d’art est un miroir déformant que nous tend l’artiste : c’est un peu, beaucoup nous-mêmes que nous y voyons si on s’en donne la peine.


Donc est-il possible de faire à la fois de l’art de niche et de toucher un large public? Je crois, j’ose croire que oui, même si peu
d’artistes ont réussi à le faire. Il y aura toujours quelqu’un pour dire que l’art fait pour vendre n’est pas de l’art, ou que l’art qui est populaire ne l’est pas non plus. Finalement, c’est assez hipster comme point de vue. Et pourtant, les grands artistes d’une époque, ceux par qui la controverse passait, sont souvent aujourd’hui fort populaires. C’est pourquoi on retrouve trop souvent des laminés de Van Gogh dans des stands à patates frites et des reproductions de Kandinsky en vente chez IKEA. Car même l’art, celui qu’on dit être le vrai, peut finir par être populaire!


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À défaut de pouvoir définir l’art précisément, on peut en préciser les contours : une communication entre l’artiste (qui s’inscrit dans une démarche) et le spectateur (qui se laisse toucher), à travers une oeuvre produite avec une certaine volonté esthétique.


Pour revenir à Star Académie, eh oui, on y trouve parfois de l’art : quelques bonnes chansons, des commentaires ici et là qui touchent davantage à la création qu’au glamour, des interprètes inspirés. Mais il faut savoir aller au-delà de l’enrobage, du « crémage » sucré et parfois gommant…


Je pense que je vais aller réétudier Descartes, Platon, Nietzsche et les autres!


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