La liberté, l’éloignement, la mono-industrialisation d’une région, l’attachement à un lieu sont des sujets qu’a incarnés l’Abitbi-Témiscamingue devant la caméra de Proulx d’abord, puis de Perreault, Carle, Émond… Mais notre région n’est bien sûr pas la seule à pouvoir évoquer ces thèmes. Il y a plus loin encore que l’Abitibi, il y a la Baie James.


Benoit Pilon, après avoir consacré une année complète au tournage du documentaire intimiste Roger Toupin, épicier variété (2003), a embarqué son équipe de tournage dans un avion d’Air Inuit en destination de la Baie James, pour aller filmer ceux qui ont décidé de rester loin. La marginalité, bien présente dans sa démarche, est personnifiée dans le documentaire Des nouvelles du nord (2007) par une bande d’irréductibles liés d’un amour singulier au sol gelé d’octobre à mai.


Les premières séquences de Des nouvelles du nord servent de mise en contexte pour ceux qui n’en savent peu ou prou quant à la Baie James. Dans les mots de Robert Bourassa, la Baie James « sera l’éclosion d’une civilisation nouvelle et purement québécoise, avec la découverte d’une terre nouvelle, des villes à créer, des mines à creuser, du pétrole à découvrir! » Le ton et le vocabulaire font immanquablement penser à la propagande entourant le Plan Nord de Charest qui visait à épater outre mesure le public québécois pour lui vendre ce projet.


La symbolique de l’enracinement s’impose rapidement comme pilier principal du récit sur lequel reposeront presque toutes les scènes du documentaire. Un couple nous explique banalement ce qu’ils ont planté comme arbres autour de leur maison. Alors que la scène demeure d’un ordinaire ordinaire, on s’aperçoit de ce que le réalisateur y voit : ces arbres représentent le désir de ce couple de demeurer à Radisson sans en prévoir la fin. La caméra tenue par Michel Laveaux se fait, tout au long du film, attentive à ces détails qui explicitent mieux que les mots la relation entre la Baie James et ses habitants. Pour la plupart, le dilemme, partir ou bien rester, est plus présent. Une femme travaillant au bureau de poste explique que « moins on sort d’ici, moins on veut sortir. Moi, c’est les épiceries. Je capote, ça a pas de bon sens, y a du choix en bas! »


Benoit Pilon nous présente personnellement aux habitants de Radisson et de Chisasibi qui se sont prêtés au jeu. Il leur a tous posé la même question: pourquoi rester ici? La réponse ne vient pas d’elle-même, ils y sont tous venus principalement pour le travail. Ce que Des Nouvelles du nord exposent plutôt, c’est la relation entre un lieu et son habitant, le caractère adaptatif de ceux que Pierre Falardeau disait « tough en tabarnac! » (sic). Il y a quelque chose que les personnages partagent tous, c’est l’amour qu’ils portent pour leur région. L’humain s’enchaîne au sol par les racines de ce qu’il a vu, de ce qu’il a vécu en tel endroit. Il rattache cet espace à ses souvenirs et cela devient un exploit de l’en séparer.


Il y aura toujours quelque chose de fort pour nous empêcher de partir. Le verbe rester, chez nous, signifie habiter, un québécisme qui contient déjà le dilemme du départ. Habiter un lieu c’est décider d’abord de ne pas le quitter.


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