Les saisons au cinéma jouent définitivement un rôle. Alors qu’on associe l’été aux comédies romantiques, on hésite souvent à donner une place à l’hiver, d’une part parce que cela alourdit les tournages et aussi parce qu’évoquer cette saison nous ramène souvent à des émotions vaguement déprimantes, quoique nécessaires.

Originaire de Rouyn-Noranda, Myriam Magassouba a fait une belle fleur à sa ville natale à l’hiver 2012, en allant tourner Là où je suis (2012), qui fut sacrée meilleur court-métrage aux Jutra 2013. Assumé comme étant une autofiction, le film met en scène un personnage aux ressemblances physiques et nominales avec la réalisatrice (le personnage est métis et s’appelle Mimi), aux prises avec la cruauté de l’hiver et de l’adolescence.

La ville entière est immaculée de blanc. Au loin, on aperçoit l’emblème omniprésent des cieux de la capitale de la «coppe», les cheminées de la Horne. Deux meilleures amies courent sur la neige dans la pénombre d’un soir d’hiver froid. Une d’entre elles, peu après, ne sera plus là, emportée par un accident. Là où je suis raconte l’expérience physique du deuil chez une adolescente, Mimi. La rage et l’incompréhension trouvent niche dans la tête du personnage, qui est bouleversée par l’absence de son amie Sophie. La quête de sens est inespérée et laisse Mimi seule avec elle-même, ne pouvant trouver le réconfort nécessaire autour d’elle, ni par sa mère, ni par les proches de Sophie. Elle progresse difficilement, d’abord figée par le choc, ici étouffée par la tristesse du père de Sophie puis emportée par la hargne durant un concert punk.

La réalisatrice dit au sujet de sa démarche : « L’histoire, le deuil, passe à travers le corps. La douleur, la rage, c’est intrinsèquement physique et corporel, si bien que la solution est, elle aussi, physique. » Mimi trouve son salut dans le ballet, activité qu’elle pratiquait avec Sophie. La salle de répétition constitue finalement le meilleur endroit pour faire le deuil. Dans la scène finale, sublime, Mimi se réconcilie avec l’invisible et retrouve la présence de son amie, reprenant seule la chorégraphie qu’elles avaient apprise à deux.

Drapé dans une lumière douce, filtrée à froid, Là où je suis se veut d’abord une expérience sensorielle, un exercice de symbiose entre personnage et spectateur. La caméra suit les gestes les plus infimes du personnage et transmet le souvenir de l’introspection propre à l’adolescence, à travers lequel celui-ci se fie à ses propres expériences pour forger son identité. Étant campé dans un style réaliste qui lui va bien, le film réussit le pari du «presque muet». La parole étant constamment source de conflit pour le personnage de Mimi, on la voit plutôt trouver du sens dans les gestes qu’elle accomplit.

Présenté lors de la dernière édition du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, Là où je suis se joindra certainement à la programmation d’autres festivals en région, soyez à l’affût!


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