Si je le pouvais, j’abolirais novembre. Je n’aime pas ce mois, coincé qu’il est entre l’Halloween et les temps des fêtes. Il ne s’y passe rien, sauf pour fêter les morts, ceux de l’Église et de la Première Guerre. C’est un mois inutile, on s’y ennuie presque, comme un dimanche de pluie, qui durerait 30 jours. Tout est toujours mouillé, il fait froid, mais sans la neige, les oiseaux sont partis, les dernières couleurs ont disparu. Et tout est gris : le ciel, le sol, les arbres. C’est gris partout. Mais aussi dans le journal, aux nouvelles. Le monde tourne vite, mais il tourne gris aussi.

Ici, rien pour nous faire voir la vie en rose. Les ministres, dont le premier, se succèdent au micro pour nous parler de coupures, d’austérité, d’abolitions. On coupera un autre milliard dans l’éducation, on réfléchit à réduire les congés parentaux, on réformera les retraites, on grattera encore des fonds de tiroir. Voilà notre projet de société. Personne ne rêve en couleurs. Il y a même la patronne de Desjardins qui nous dit que c’est un passage obligé. Le passage sera certes plus facile à traverser, pour elle, avec son salaire de 3 millions par année.

Ailleurs, ce n’est guère mieux. C’est gris là-bas aussi. En gris foncé, le Moyen-Orient, encore. C’est encore la guerre et c’est surtout l’horreur. Cet État Islamique, qui rêve d’un grand califat, d’un empire dominé par l’Islam, il avance, conquiert, tue, pille, viole. Il coupe les têtes à la télé. Il menace l’Occident. Et le pauvre Président Obama, dont l’étoile a pâli et les cheveux ont blanchi depuis six ans, devra faire l’impensable, et c’en est presque ironique : aller en Syrie et retourner en Irak. Il devra encore ramasser les dégâts laissés par Bush. Parce qu’il faut le dire, et je suis d’accord avec les propos du sénateur-général Dallaire : on ne pourra faire reculer ce groupe islamique terroriste et la menace pour nos pays en ne lançant que des bombes depuis des avions à 10 000 pieds dans les airs. Il faudra tôt ou tard mettre les mains dans le cambouis et envoyer des troupes au sol. Après le désastre irakien et le piège afghan, c’est un nouveau bourbier qui se pointe. Et la guerre, qu’elle soit juste ou non, c’est toujours gris.

Autre nuance de gris, le H1N1 nouvelle forme, nouvelle vague : l’Ebola, qui vient de l’ouest africain et qui atteint notre continent. Ça inquiète, c’est normal et il ne faudra pas grand-chose, malheureusement, pour tomber dans une psychose collective. Et du côté de l’économie, un peu partout, le ciel reste nuageux. Pertes d’emplois, chômage élevé, précarité qui s’étend, récession qui menace encore, bourses volatiles, endettement des ménages; la liste des mauvaises nouvelles s’allonge…

L’année qui s’achève nous laisse dans le gris. Il faudrait recommencer à commanditer des bonnes nouvelles dans les téléjournaux. Oui, GM n’est plus en faillite. Ça mettrait un peu de lumière en attendant. Ça éviterait peut-être que 2015 ne soit qu’un long mois de novembre.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.