« La retraite, moi, je ne crois pas à ça! » Voilà la déclaration paradoxale que fait souvent Rock Lamothe, pourtant à l’aube de sa retraite. Évidemment, la retraite, ce n’est pas une question de croyance. On la prend ou non. On l’assume ou non. On n’a pas à y croire. En fait, ce que Rock Lamothe veut dire dans cette boutade, c’est que l’idée de s’arrêter ne lui a jamais effleuré l’esprit. Il arrête simplement d’enseigner, pas de travailler! Depuis des années, il est un bourreau de travail et ce n’est pas maintenant que cela va cesser. Il est d’ailleurs difficile de l’imaginer relaxer assis au coin du feu! Cette image le ferait bien rigoler de son grand rire contagieux.

Arrivé en Abitibi en 1977, cet originaire de Saint-Léonard d’Aston avait de quoi faire dans une région encore à construire comme la nôtre. Œuvrant d’abord à l’école secondaire Notre-Dame-du-Sourire, Rock Lamothe est rapidement recruté par l’UQAT en 1980, après un bref crochet à la direction du centre d’exposition de Rouyn-Noranda. Devenu professeur un peu par défaut (histoire de rassurer sa mère, inquiète de ses choix professionnels!), il se prend rapidement au jeu. L’enseignement, c’est formidable, dit-il, on y acquiert rapidement une certaine notoriété. » En effet, les étudiants et leurs parents le reconnaissent dans la rue, lui parlent, accélérant ainsi son intégration.

Enseigner les arts dans une région jeune comme l’Abitibi-Témiscamingue est un défi qui ne se limite pas qu’à la simple transmission de connaissances ou au partage de savoir-faire. Il faut savoir construire une expertise artistique régionale. En ce sens, l’apport de Rock Lamothe est indéniable, surtout sur le plan de la continuité. Souvent, les gens viennent, passent quelques années, puis repartent vers d’autres horizons. Rock Lamothe est resté, a construit et entretenu la formation artistique aux quatre coins de la région, et au-delà : il ne faut pas oublier que l’UQAT se déploie jusqu’à Mont-Laurier!

Enseignant-artiste et bâtisseur déterminé

Ce que Rock Lamothe a toujours su préserver au fil des années, c’est son travail d’artiste, pour lui essentiel. Enseigner et produire ne sont jamais chose facile mais l’université est sans doute le lieu idéal pour cela. Car dans une tâche d’enseignant universitaire, la recherche – qui se manifeste par la production artistique dans le cas d’un enseignant-artiste – doit occuper une proportion d’environ 40 %. Cette proportion doit par contre être aménagée, maintenue et défendue becs et ongles (parfois contre soi-même!) afin de la préserver.

N’ayons pas peur de l’affirmer haut et fort : Rock Lamothe a été un bâtisseur au sein de l’UQAT. Il insiste beaucoup sur le fait que la structure lui a toujours permis de mettre en œuvre ses projets. « Jamais je n’ai frappé à une porte qui ne s’est pas ouverte, affirme-t-il. On m’a toujours écouté avec attention et j’ai toujours eu tout le support nécessaire. » Il ne faut pas oublier que Lamothe a piloté au fil des années trois baccalauréats : un premier en arts plastiques, un second en interdisciplinarité et un troisième en enseignement des arts plastiques.

D’ailleurs, l’une des raisons qui le poussent à prendre sa retraite est la nécessité, selon lui, d’apporter du sang neuf à l’UQAT. Il croit que l’institution a tout à gagner à investir dans une nouvelle garde, plus jeune et porteuse d’une nouvelle culture.

Ceci dit, la retraite ne changera pas grand-chose dans son quotidien. Travailleur acharné, tant en ce qui concerne sa production, toujours aussi abondante et pertinente, que ses implications dans le milieu, Rock Lamothe continuera à occuper de l’espace dans l’univers artistique régional. De toute façon, Rock a depuis longtemps fait sa vie chez nous : deux enfants, cinq petits-enfants font en sorte que sa vie est ici, avec nous. On ne peut que s’en réjouir.

On pourra apprécier le travail artistique de Rock Lamothe au Centre d’exposition de Rouyn-Noranda dans le cadre d’une exposition solo et à travers les centres d’exposition de la région à l’occasion de la grande exposition hommage Eh bien, dis donc!, réunissant des œuvres des diplômés en art visuels de l’UQAT et des chargés de cours, qui se déroulera jusqu’au 15 novembre prochain. \


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