« Nous nous sommes donné la marge de manœuvre nécessaire pour réinvestir dans les secteurs qui nous tiennent à cœur : l’éducation, la santé et la réduction du fardeau fiscal des particuliers et des entreprises », a annoncé Philippe Couillard lors du dépôt du dernier budget provincial. Permettez-moi une traduction libre : « Après avoir saccagé l’éducation et les services sociaux, on va maintenant recommencer à remettre de l’argent au compte-gouttes dans ces domaines et baisser les impôts pour que vous nous réélisiez en 2018. »

On ne le dira jamais assez : s’il y a un secteur primordial dans lequel il faut investir pour assurer le succès de l’économie québécoise à long terme, c’est bien celui de l’éducation. Hausser les dépenses de 3 % dans ce secteur en 2016-2017, après les avoir réduites depuis 2 ans, c’est nous rire en plein visage.

Notons deux coupures notables, dans ce budget révélateur du véritable intérêt que porte le PLQ au bien commun. D’abord, on a éliminé en cachette le poste de Commissaire à la santé et au bien-être, qui évaluait de façon indépendante l’efficacité et la pertinence des politiques du ministre de la Santé. Pas un sou ne sera épargné par son abolition : ses 12 chercheurs sont des fonctionnaires qui seront réaffectés ailleurs. Mais ça doit tellement faire du bien à notre ministre Barrette le bully de museler une source de critiques et de questions potentiellement dérangeantes ! Désormais, le ministère de la Santé va s’autoévaluer. J’ai tellement confiance.

Par ailleurs, avec le plussse meilleur timing du monde, le dernier budget libéral retranchera environ 3 M$ du budget du directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Pour faire court, quand l’UPAC — qui a fait de belles prises récemment — a besoin que ses enquêtes se transforment en arrestations et en poursuites, il a besoin du DPCP. Il ne fait aucun doute que cette coupe budgétaire est dans l’intérêt public. En passant, j’ai des clous du Christ à vendre, à l’occasion de Pâques. Êtes-vous preneurs ?

Gabriel Nadeau-Dubois illustrait dernièrement dans Ricochet cette gangrène qui afflige le système politique québécois actuel. Il appelle à un grand ménage avant qu’on assiste à une montée de l’autoritarisme à l’américaine : « Les premiers ministres d’aujourd’hui étaient dans les conseils des ministres d’hier, les lobbyistes de demain sont les ministres actuels, et vice versa. La plupart des formations politiques sont elles-mêmes, de près ou de loin, nées de scissions du Parti libéral. Un tel degré d’endogamie a fini par accumuler les tares. Le temps est venu de couper cette branche. Elle est pourrie. »

Par ailleurs, ce sont aujourd’hui des « banquiers, des économistes et des affairistes » qui orientent le pouvoir, dans leurs propres intérêts. « Ce sont ces gens qui font passer pour du gros bon sens tout ce qui leur rapporte, et pour de la folie toutes les politiques qui leur nuiraient. »

Quel est le remède à ce fléau ? Puis-je proposer qu’une éducation de qualité pourrait permettre d’outiller nos enfants et nos petits-enfants d’un sens critique, de façon à mettre éventuellement fin à des décennies de copinage et de corruption ? Heille, 53 % d’analphabètes fonctionnels au Québec, et le PLQ nous dit que l’éducation lui tient à cœur ? Bullshit ! C’est l’analphabétisme qui lui permet de demeurer au pouvoir.

Bruxelles et l’islam : un peu de recul

Deux choses à mentionner suite aux attentats de Bruxelles. D’abord, un exercice fort intéressant de Jean-François Cliche de La Presse, qui a analysé le terrorisme entre 1970 et aujourd’hui. Résultat : il y a beaucoup moins d’attentats terroristes de nos jours qu’il y en avait dans les années 80, chiffres à l’appui. L’info en direct 24/24 et les médias sociaux nous rapprochent des événements et ont un impact probablement plus grand sur notre imaginaire, mais force est de constater que malgré l’horreur des derniers jours, nous sommes actuellement en période d’accalmie. L’influence de l’État islamique (EI) étant par ailleurs en baisse, ses dirigeants ont donc besoin de réaliser des coups d’éclat puisqu’ils sont en train de perdre sur le terrain, l’étau de la coalition se resserrant petit à petit sur eux depuis plus d’un an.

Enfin, un peu plus de lumière sur ce qui motive ces terroristes. Dans une superbe analyse de l’hebdomadaire The Nation, en décembre dernier, Robert Page, politologue qui a analysé 4600 attaques terroristes depuis 1980 avec ses collègues du Chicago Project on Security and Terrorism, prétend que la religion n’est pas du tout ce qui motive le terrorisme. Elle est plutôt un outil de recrutement et un moyen pour les insurgés de vaincre la peur de la mort et de celle de tuer des innocents. « Ce que 95 % des attentats suicides depuis 1980 ont en commun [est] une motivation stratégique précise qui cherche à répliquer à une intervention militaire, ou l’occupation militaire d’un territoire que les terroristes considèrent comme leur patrie. » [Traduction libre]

Ce que veut l’État islamique, qui n’a d’islamique que le nom, c’est que l’Occident quitte la région du golfe Persique, occupée pour son pétrole. Ainsi, le groupe lance des attaques spectaculaires en espérant que les puissances touchées réagissent de façon démesurée, déploient des troupes massives dans la région, et qu’ils en paient un prix tellement cher monétairement, humainement et politiquement, qu’ils soient forcés de quitter la région.

Parallèlement, comme l’immense majorité des musulmans n’est pas intéressée par l’islam politique et le terrorisme — comme à peu près tout le monde sur la planète, d’ailleurs — un autre objectif des attentats de l’EI est de polariser l’opinion publique contre les immigrants musulmans, moyen efficace de radicaliser des gens qui ne l’étaient pas au départ, qui deviennent à leur tour des recrues potentielles. Alors bravo à Richard Martineau, Marine Le Pen, PEGIDA et autres ti-counes de tous acabits qui profitent de leur micro pour amalgamer islam et terrorisme : votre lecture du monde en noir et blanc, dépourvue de toute nuance, raciste et xénophobe contribue au problème. Et avec 53 % d’analphabètes fonctionnels au Québec… \


Auteur/trice