Je suis prof, et je suis en congé en juillet et août. Ça a ses avantages, même si c’est devenu, avec le temps, une belle façon de nous faire fermer la gueule quand on remet en question nos conditions de travail. Oh ! Je pourrais bien lancer quelques concepts juridiques et légaux pour montrer que ce ne sont pas des vacances, mais un arrêt de travail… Bien sûr, sept semaines sans travailler, c’est un sacré avantage. Il y a les profs, et il y en a d’autres aussi, qui profitent de nombreux congés. Mais d’autres qui en ont beaucoup moins.

Les chiffres parlent et le Canada fait piètre figure à ce sujet. Il se place au 62e rang mondial, avec 19 jours de congé par an. C’est l’Autriche avec 38 jours qui est championne. En Pologne, 34 jours. Aux États-Unis, 25. Le Canada rivalise avec la Colombie, la Malaisie et le Japon, surtout, où travail et performance sont hissés au sommet des valeurs sociales. Il y a donc un espace pour améliorer les choses.

D’autres chiffres, tirés d’une enquête du Centre canadien de politiques alternatives, font sourciller et reflètent que beaucoup de gens se satisfassent de deux ou trois semaines. Et que les gouvernements ne semblent pas pressés d’en ajouter. 22 % des Canadiens ont dû annuler leurs vacances à cause du boulot. 14 % se sentent coupables de partir. Puis – et celle-là m’a jeté à terre ! – 49 % des employeurs disent s’attendre à ce que leurs employés se présentent au travail à quelques reprises pendant qu’ils sont en vacances. On n’est pas loin du mépris.

Louis Jolin, professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, n’est pas surpris. Depuis 40 ans, l’accessibilité aux vacances est de plus en plus difficile. Pourquoi donc ? Capacités financières plus réduites, précarité des emplois, changements plus fréquents d’employeurs, travail autonome. Bye bye la société des loisirs !  

Jean Stafford, du même département, lance une autre explication, culturelle celle-là : « En Amérique du Nord, les gens préfèrent le fric aux loisirs. Nous sommes plus individualistes qu’en Europe, où les gens ont davantage de congés. Ici, les vacances ne font pas partie des mœurs. » On préfère donc avoir plus d’argent dans les poches, mais courir comme des fous, pour pouvoir acheter mille bébelles, qu’on utilisera une fois de temps en temps, en espérant un peu de soleil ?

Parce que peu de jours de vacances, ce n’est pas la preuve d’une économie qui roule et d’une productivité du tonnerre. C’est même le contraire et c’est une évidence : le repos est essentiel. Jolin ajoute : « Socialement et culturellement, c’est très important d’avoir des vacances pour passer du temps avec les autres. Prendre du temps pour jaser, pour perdre son temps. Pour ne rien faire… »

Quatre semaines, vingt jours, plus les fériés, rien de moins, voilà ce qu’il faut. Quoi qu’en disent Lucien Bouchard ou des gens d’affaires, ça ne fera pas de nous un peuple de paresseux et de fainéants. Mais peut-être une société plus équilibrée, qui pourra un peu plus profiter du temps qui passe…\


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.