Je ne suis pas seul au monde à me faire des vues. C’est certain, car sinon, cette expression n’existerait pas. Je veux dire pas juste pour moi quand même !

 

Il m’arrive de me fabriquer des scénarios, de me péter des cartoons, à toutes sortes de sujets, tout comme vous. Par exemple, je me dis : « Si je le rencontre, je lui dirai franchement que je ne suis pas d’accord avec ses positions politiques. » Et je m’élabore une mise en scène… Les prédictions de tout ordre vont dans le même sens : « À la finale de la Coupe du président, l’an prochain, ça sera les Foreurs contre les Huskies, et on va gagner la série en six[1]… »

 

Ces images intérieures tournent et retournent dans l’esprit. À un point tel que, souvent, nous émettons ces fantasmes à nos semblables. Arrive alors le moment où on se fait lancer : « Là, tu te pètes des cartoons ! »

 

Finalement vient ce qu’on nomme la projection. On croit tellement à nos vues qu’on est convaincu que les autres voient les mêmes choses que nous. On transpose, dans leur réalité, nos propres peurs ou espoirs. Sans doute est-ce de ce fait que vient l’expression « se croire ». Comme dans : « Il se croit en maudit quand il dit que son équipe va faire les finales et gagner la coupe… »

 

Nous avons, je parle des humains, cette fantastique capacité d’imaginer. Elle permet tous les possibles, mais peut aussi en bloquer beaucoup. Tout dépend du regard que l’on a, de quel côté de la lentille on regarde.

 

Ainsi, depuis cet été en particulier, des automobilistes pourraient penser que, si ça continue, bientôt ils ne pourront plus circuler en auto. Car des hordes de cyclistes, à bord de leurs montures sauvages, vont venir attaquer nos pauvres petites voitures d’une ou deux tonnes… C’est sans parler de ces femmes provocatrices se promenant en burkini sur les plages. Bientôt, vous savez, si on les laisse aller, nos enfants seront obligés de réciter le Coran en classe…

 

Réagir ainsi aux rumeurs et aux peurs, c’est se faire des vues. Et il y a le pire sur nos écrans présentement. Ceux-ci peuvent transformer une rumeur en vérité. Ainsi, on se fait des vues ensemble virtuellement, on les partage et on les projette. Par ces temps austères, le rapport avec des personnes réelles dans la vie réelle se fait rare comme la tolérance… Comment s’en sortir ?

 

Lâcher prise semble à la mode. En tout cas, ma mère m’en parle souvent. Autre option de ma mère : vivre le moment présent. Ça paraît simple, mais il faut sortir de son cinéma et de tous les autres pour que cela advienne. Une fois ces deux éléments réunis, on peut sortir dehors et sentir la nature apaisée de l’automne, celle qui n’a rien d’une vue, qui n’est jamais la même d’un moment à l’autre, comme la vie. Celle qui peut nous colorer et rafraichir l’esprit…

 

Tu viens avec moi maman ? On sort, dehors de nos têtes ! \

 

[1] Ici, je vous fais remarquer que je n’ai pas écrit qui gagnerait cette série en six parties, ceci afin de ménager les susceptibilités…


Auteur/trice